FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA CHANSON DE GRANBY


FrancoFans est allé faire un tour du coté de Granby, à l'occasion du quarante-troisième festival International de la Chanson du 7 au 17 septembre dernier...


ITV de Pierre Fortier, directeur général et artistique du Festival.


We’ll take the morning flight…” Le lendemain de la clôture du Festival, nous prendrons effectivement l’avion pour l’Ancien Monde. Avec dans la soute quelques albums glanés ici et là. Socan, en chantant ce refrain anglais ne s’adresse pas à la trentaine de Français venus à Granby. Ce soir-là, ce barbu à l’allure pourtant banale écrit pour son Eloïse. Une chanson, une guitare et une voix qui laisse trainer les fonds de vers. Les neuf-cents spectateurs du Palace l’écoutent, religieusement, dans cet ancien cinéma transformé en salle de spectacle. Une chanson bilingue qui aime donc faire entorse au règlement mais remporte pourtant le Prix de la Meilleure Chanson de cette quarante-troisième édition. Le ton est donné. La « tune » - autrement dit la chanson – trotte encore dans nos têtes.

 

 

Car c’est bien d’un concours qu’il s’agit. Un tremplin pour les voix du Québec qui ont choisi, par confort ou par engagement, la langue française comme étendard. « Pas de langage songé mais un langage du peuple qui se bat » assène le chef d’orchestre du Festival, Pierre Fortier, un quinquennat dans les jambes après avoir travaillé à Radio Canada. « C’est plus paresseux de chanter en anglais alors que chanter en français est une posture politique » poursuit-il, porté par le succès de la manifestation qui est passée de 4 000 à 25 000 tickets vendus en l’espace de quatre ans. Il le sait, cette langue française finira peut-être dans sa zone des vingt-deux, acculée par le pack anglais. Raison de plus pour militer, pour faire connaître Granby sur la carte des festivals immanquables. Là où l’on découvre ceux qui feront les grandes heures prochaines de la chanson québécoise. Là où, comme dans les grandes écoles, les diplômés reviennent en parrains et porte-paroles pour montrer le chemin à leurs cadets. Il faut donc se battre, partir en campagne jusqu’à investir les courts de récrés avec un joli programme « Jamais trop tôt » qui mobilise cinquante classes de Granby et sa région autour de l’écriture de chansons. Histoire de donner aux têtes blondes le goût de la langue française en sélectionnant les meilleurs d’entre eux pour se produire un après-midi sous le chapiteau de la ville. Parmi eux, un ado se distingue, il s’appelle Édouard Lagacé, avec déjà une assurance et une présence scénique qui laissent présager un futur prometteur.

 

Amateur de grands écarts et de projets insolites, Pierre Fortier nous rappelle que Granby n’oublie pas les publics dits « empêchés », que ce soient « les malades en phase terminale ou les pensionnaires des maisons de retraites grâce au projet  ‘Les petits bonheurs’ ». Autant d’initiatives qui font grandir ce festival et consacrent son engagement politique et social. Car il s’agit bien d’un Festival militant dans un contexte belliqueux puisque « la langue française n’est pas un droit acquis, elle est en danger » ajoute-t-il avant de préciser que la moyenne d’âge des spectateurs a tendance à baisser depuis quelques éditions pour atteindre cette année quarante-trois ans. Pas de quoi crier victoire et dire que la relève est assurée mais un premier pas est franchi pour un festival qui « aime les artistes bizarres ».

 

Parmi les critères retenus par les jurés, tantôt producteurs, journalistes ou directeurs de festivals, « c’est en effet la singularité qui prime » note le directeur. Cette bizarrerie qui a probablement porté Klô Pelgag en finale cette année, celle qui a fait gagner Lisa Leblanc l’an passé et qui a su déceler les talents naissant des Isabelle Boulay, Linda Lemay, Damien Robitaille ou Pierre Lapointe. C’est probablement ce qui a motivé la centaine de jurés de la finale à voter pour Mathieu Lippé, désigné vainqueur d’étape et parvenu seul en haut du Mont Royal. Il repart avec un beau butin et des invitations à jouer sur les plus grosses scènes francophones du Québec. De quoi donner un joli coup de pouce au plus âgé des finalistes qui attend son heure depuis longtemps. Ses armes ? « Un vrai charisme sur scène » doublé d’un joyeux mélange de slam, de chant et de conte qu’il est peut-être le seul à marier. Et une place à prendre sur « une scène slam québécoise quasi inexistante comparée à la vague qu’a connu la France il y a quelques années ».


Gardons de Granby et de son festival la rencontre avec des passionnés de chanson francophone, des artistes sincères et des talents en gestation. Gardons-nous bien de donner des notes et des bons points mais revenons persuadés que le Québec est une terre qui fait vivre la langue française à sa manière. Elle peut dérouter ou toucher. Mais l’un des pires ennemis de l’artiste ne serait-il pas… l’indifférence ?

 

Bref, laissons le mot de la fin au grand horloger du concours qui aime souvent rapporter cette anecdote. L’histoire « d’un collègue programmateur qui, découvrant un groupe français, me demande : dans quelle langue peut-il bien chanter ? En anglais lui dis-je, le sourire au coin, en anglais ou du moins dans ce qui semble être de l’anglais. Mon collègue me répond : ne ferait-il pas mieux de chanter en français ? » Je vous laisse imaginer sa réponse…

 

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Arnold Faivre