Je le sais bien : d'autres l'ont découverte déjà depuis quelques années. Mais, c'est vrai, je ne connaissais pas Anastasia Rauch. L'ADAMI lui a offert la possibilité d'occuper la scène de l'Arrache Coeur pendant le Off 2018 et c'est, pour moi, l'occasion d'une vraie et belle découverte.
Anastasia a été d'abord la chanteuse et accordéoniste dans un groupe et en 2013 elle a pris son envol en faisant paraître Beau Parleur, son premier album produit par Batlik. On retrouve ce même Batlik comme auteur de quelques textes d'Aqua Toffana le nouvel album d'Anastasia sorti en décembre 2016.
C'est lui qui a écrit Aqua Toffana et Amazones, deux des chansons les plus fortes du set d'Avignon, écrites à quatre mains puisqu'Anastasia en a composé la musique. Elle y chante l'histoire d'une empoisonneuse dont le mari a absorbé ce breuvage infernal qui donne son titre à la chanson comme à l'album. Elle chante aussi le amazones et leur « désir d’aller prendre la place de celui qui décide ». Elle a choisi, dit-elle, le thème des Amazones "pour illustrer la problématique des femmes qui souhaitent l'égalité, mais qui tombent dans le piège de singer ceux qu'elles dénoncent" et précise "Je veux que les femmes s'assument avec leur coeur de femmes sans vouloir accéder à la puissance verticale des hommes".
Quand elle chante ses propres textes (C'était pas simple et On s'évapore par exemple), c'est d'amour qu'elle nous parle. Mais ce sont des amours plutôt compliqués, pas vraiment des histoires à l'eau de rose. Ce sont les histoires d'une jeune femme moderne, des histoires d'amour qui finissent.... et c'est à Catherine Ringer que me fait en effet penser Anastasia. Et je l'imagine tout à fait, un jour prochain, sur une plus grande scène et pourquoi pas dans un festival comme les Vieilles Charrues.
En effet Anastasia a déjà tout d'une grande. Elle est belle. Elle a une voix qui transporte ses grands textes. Sa musique comme ses musiciens font de ce spectacle un grand moment de ce Festival Off en chansons.
L'ADAMI a choisi deux jeunes alsaciennes pour investir l'Arrache Coeur pendant ce mois de juillet, Anastasia et Léopoldine HH. Léopoldine a déjà acquis une belle notoriété avec son album Blumen im topf (fleurs en pot) qui lui a permis de conquérir le public et le jury du prix Moustaki 2017 et d'obtenir le Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros. En 2018 elle remporte le 1er prix Saravah.
Dans le format court qui s'impose dans le Off, Léopoldine a donc chanté quelques chansons de cet album. Mais c'est d'abord un spectacle qu'elle a mis en place avec de longs intermèdes entre chaque moment musical où elle donne libre court à ses talents de comédienne.
Le spectacle est complètement déjanté. Léopoldine se dépense avec une énergie folle. Elle chante en français ou en alsacien des textes qui sont ceux d'écrivains qu'elle admire. Maxime Kerzanet et Charly Marty, ses deux musiciens, l'accompagnent dans une techno endiablée qui donne une couleur très moderne à des mélodies dont on devine la belle simplicité.
Quand la musique devient dansante, le public est emporté par l'énergie de l'artiste et participe avec enthousiasme au spectacle. Après ses derniers concerts avignonnais, Léopoldine a rendez-vous maintenant avec le public de Barjac où elle est programmée le jeudi 2 août à 17h.
Le site de Léopoldine HH
Avec est un spectacle tout à fait extraordinaire que David Sire et le guitariste Cerf Badin, proposent cette année à l'Arrache Coeur dans le cadre des Talents On y chante de l'ADAMI. David est un personnage étonnant. Il sait chanter de grandes et belles chansons dans la plus pure tradition des grands anciens. C'est le cas avec Feux qui ouvre son spectacle, un grand classique avec les mots et la poésie de l'artiste. Je partirai d'Avignon cette année avec cette chanson en mémoire.
Mais David est aussi un philosophe. Un philosophe engagé dans le quotidien des gens qu'il va rencontrer, par exemple ces pensionnaires d'une maison de retraite dont il parle avec une immense tendresse en évoquant Jacqueline qui perd la mémoire et qu'il chante dans Le petit cabas. Ses textes touchent à l'essentiel par exemple dans Tout est là ou Je est un nous. L'existentialisme à la façon de David Sire s'appelle la Bidulosophie. Avec lui on pense vraiment et très joyeusement.
Car il y a aussi du Bobby Lapointe quand David est sur scène. Les musiciens s'accompagnent parfois d'une pompe à vélo et font appel à toute la magie du cirque pour construire un spectacle mis en scène par Marina Tomé, un spectacle aussi drôle qu'émouvant, aussi tendre que profond. Un grand moment du Off 2018 dont on pourra certainement parler un jour plus longuement dans Francofans, le magazine.
David Sire chante à Avignon jusqu'au 29 juillet et une belle tournée suivra ensuite.
Le site de David Sire
Le Caribou Volant, c'est un duo composé de Yoan Giansetto et de Ninon Moreau. Yoan est né au Québec et a conservé des liens affectifs avec son pays de naissance. On en a la confirmation avec le spectacle « jeune public », proposé cette année au Théâtre des Vents. A travers textes et chansons les artistes nous entraînent d'abord en montgolfière dans les paysages et les forêts du grand nord canadien en mettant en valeur les animaux réels ou imaginaires de ces lointaines contrées.
On revient ensuite en France pour un parcours écolo et rural très pédagogique. Expliquée de façon très imagée par Ninon, j'ai enfin compris ce qu'était cette permaculture dont on parle tant aujourd'hui chez les défenseurs de l'environnement. Pour conclure ce joyeux spectacle très engagé, le duo règle son compte à Monsanto avec une musique très folk et leurs nombreux instruments qui donnent une tournure très joyeuse et légère à des messages qui ont du poids.
Après treize années chez Sinsémilia et une longue collaboration avec Yoanna, Fabien (Fafa) Daïan s'est lancé d'abord en quatuor puis en duo avec Rémi d'Aversa, son cousin. C'est sous le nom de Léonid qu'ils chantent désormais ensemble. Ils sont à Avignon à l'Atypic Théâtre jusqu'au 26 juillet.
C'est un véritable orchestre que ces deux musiciens nous offrent sur scène. Il y a bien sur les claviers de Rémi et la guitare de Fafa. Mais ils s'accompagnent de nombreuses percussions dans une sorte de chorégraphie instrumentale tout à fait étonnante.
Les textes des chansons traitent parfois de sujets assez sombres (le suicide, la dépression) mais toujours avec une franche dérision qui rappellent parfois Brassens (« un marteau dans le palpitant » dans Le vent dans l'dos) ou Thomas Fersen. Fabien a maintenant son univers propre et il l'exprime avec beaucoup d'émotion en jouant avec les mots (« les mots sont cachés sous terre, il suffit de les attraper ») comme il jongle sur scène avec ses baguettes et celles de son cousin. Léonid est finalement plus optimiste aujourd'hui car, Tous comptes faits, « il y a des petits riens qui font que la vie c'est quand même quelque chose ». Et dans une chanson aussi professionnelle que mathématique, il nous fait beaucoup rire avec les 507 heures du statut d'intermittent.
La musique est faite de mélodies très simples mais elle peut prendre une splendide ampleur et des sonorités très contemporaines grâce aux arrangements ambitieux de ces deux grands musiciens. Un très beau spectacle et un duo dont on reparlera certainement bientôt dans le magazine Francofans.
Le site de Léonid
Yoanna et Brice Quillion présentent Marre Mots, leur spectacle jeune public à l'Arrache Coeur tous les matins de juillet avec l'entrée gratuite pour les enfants. Avant Avignon ils avaient déjà dépassé les 150 dates pour ce projet qui a maintenant plus de 2 ans.
Au départ il y avait une proposition retenue par les Jeunesses Musicales de France (JMF). Il s'agissait d'un spectacle évoquant les émotions de l'enfance qui pouvait donner lieu à des interventions dans des écoles et à un travail dans les classes élémentaires sur des thèmes parfois difficiles à aborder avec les élèves.
Je ne connaissais pour le moment que l'album qui présente toutes les chansons du spectacle. L'écoute du CD a été un vrai choc. Les textes de Yoanna et Brice sont forts, très forts : ils y parlent de la peur, de la mort, du statut de fille ou de garçon avec leurs mots à eux mais surtout avec les mots de l'enfance. C'est une sorte de documentaire capté dans la « jungle » des cours d'école où chez un père solitaire et alcoolique incapable d'assumer son enfant.
Le spectacle s'appuie sur une belle mise en scène qui donne une autre dimension aux chansons. Les 2 artistes occupent pleinement l'espace qui leur est proposé. Ils bougent et ils sautent. Ils se moquent ou s'affrontent sans que l'un d'eux s'efface devant l'autre. Yoanna et Brice sont deux vrais partenaires, l'un à la guitare et l'autre à l'accordéon, tous les deux au chant avec autant de sincérité et de conviction. A Avignon le jeune public les applaudit avec enthousiasme. Les parents et adultes sont conquis par ce spectacle accompli et émouvant.
Peut-on attendre maintenant une suite : et pourquoi pas bientôt un Marre Mots 2 ? Mais on attend aussi un nouveau Yoanna dont une première maquette est disponible à l'Arrache Coeur auprès d'Eric Ghenassia, l'efficace et sympathique manager du projet.
Profitant aussi d'une relâche Gwen Soli sera tous les lundis sur la scène du Magasin, un théâtre de la rue des Teinturiers. Avant de se lancer dans ce spectacle solo Gwen Soli a participé aux 900 concerts de groupe vocal Evasion, un groupe qui a souvent collaboré avec Michèle Bernard qui se trouvait elle-même dans la salle lors du premier concert de Gwen à Avignon.
C'est avec Amandine Barillon que ce spectacle a été créé. Elle a écrit un grand nombre des textes mis en musique par Gwen qui a également fait appel à de superbes poèmes d'Andrée Chedid.
Le spectacle, mis en scène par Amandine et Caroline Fornier est un patchwork étonnant dont la riche bande-son paraît sortir d'un vieux transistor installé dans un semblant de salle de bain où l'artiste a choisi de planter son décor. Elle y évoque, sous des angles les plus variés et toujours avec une grande délicatesse, des thèmes liés à la féminité. Elle se confronte un moment avec Julien Clerc en chantant « hommes, je vous aime » quand Clerc, dans la bande-son, chante son amour pour les femmes. Elle se met dans la peau de Marilyn et nous interprète My heart belongs to daddy. Une chanson sort du cadre : avec les mots des meilleurs experts Gwen chante avec humour une vraie chronique boursière.... on rit et on se régale !
Pour construire sa bande-son et donner toute son ampleur à sa musique Gwen a bénéficié de nombreux soutiens comme ceux de ses amies d'Evasion, mais aussi d'Anne Sila au violoncelle, Samuel Balmas aux arrangements ou encore Hervé Peyrard (Chtryki). Beaucoup d'entre eux se retrouvent d'ailleurs chez Vocal 26 le tourneur de groupe Evasion et de Michèle Bernard.
Gwen est aussi une belle interprète : elle se sert avec maîtrise et talent de tous les registres que lui offre sa voix. Elle y ajoute une vrai présence sur scène qui fait de ce spectacle une des belles découvertes de ce Off 2018 qu'il sera possible de voir les 16 et 23 juillet.
Le site Web de Gwen Soli, c'est ici