PIGMENT
Éponyme
(Sakifo Records)
Rencontre éphémère à l’origine, on se demande bien où ces cinq titres vont les mener. Eux, ce sont Nathalie Natiembé et Mounawar. Deux artistes majeurs sur l’île de La Réunion. Réunis pour une date unique, ils se sont pris au jeu et on ne peut que les remercier. Il aurait était péché de passer à côté de cet EP. Prions pour qu’il se transforme en album prochainement. Deux voix qui se mélangent à merveille. Il y a du Catherine Ringer dans celle de Natie (la punkette du maloya), un brin de Valérie Lagrange ou de Sapho, parfois. De la hargne rock’n’rollesque des années 70-80 dans le jeu de Mounawar, à base de guitares saturées (les riffs bordel, les riffs !) mais aussi de la douceur des îles comme sur Spectre. Ces deux-là touchent au cœur. Amateurs de musiques traditionnelles de l’Océan Indien, passez votre chemin. Le cuir a remplacé le paréo pour un Blue suicide. Le Piton de la Fournaise est en éruption.
https://pigmentnatwar.bandcamp.com
Eddy Bonin
JOHNNY MONTREUIL
Narvalos forever
(Les Facéties de Lulusam)
Il est entré dans notre discothèque il y a quatre ans et malgré son allure de mauvais garçon, il ne s’est encore jamais fait refouler... C’est donc avec plaisir qu’on le retrouve pour ce deuxième album à l’énergie contagieuse. Parfaitement équilibré, Narvalos forever fera aimer le rock old-school à ceux qui n’en écoutaient pas ! Alliant le swing manouche et le rockabilly, la musique de ces banlieusards sent bon le cuir et la bière bon marché. Johnny Montreuil, c’est avant tout une ambiance de western urbain, avec un phrasé, un langage et un sens de la fête hors du commun. On adore alors découvrir en chansons ses nouveaux portraits, ses combines de roublard et les sales histoires dans lesquelles il s’est encore fourré. Rebelles au cœur tendre, ces quatre narvalos armés d’une contrebasse, d’une guitare, d’une batterie et d’un harmonica, forment la bande de potes qu’on aimerait tous rejoindre !
Nicolas Claude
MALIK DJOUDI
Tempéraments
(Cinq7)
Dans la profusion des productions musicales du moment, il existe un refuge où sont distillés une mélancolie légère, une douceur enveloppante, des instants d’existence découpés en chansons sur une pop électronique discrète, organique, mélodique. Ce refuge que l’on n’a plus envie de quitter est un album de douze titres, celui de Malik Djoudi. Que ce soit la transe dansante (Épouser la nuit, Belles sueurs), la transe percussive et entêtante (Dis moi qu’t’y penses), les réminiscences adolescentes (Autrement), le spleen apaisé et délivrant de Train de nuit, les chœurs (Aussi jolie) ou encore le duo fraternel avec Etienne Daho d’À tes côtés : tout nous émeut. Peut-être parce que le minimalisme de la production laisse la place grande au ressenti. Ou peut-être parce qu’à force d’exigence et de précision est née une complexe simplicité. Ou sûrement parce que Tempéraments est un bijou de maîtrise et de délicatesse.
Marylin Clarisse
EL GATO NEGRO
Ouvre la porte
(Differ-Ant)
El Gato Negro s’est modernisé à travers un nouveau versant électronique venu caresser ses musiques traditionnelles. Si Bendita primavera résonne comme un tube de l’été, le reste est néanmoins dans l’esprit de ce qu’on pouvait attendre. En construisant des passerelles entre l’Amérique latine, l’Afrique et la France, le groupe défend les mêmes valeurs dans ses textes et dans son instrumentation. Favorisant ainsi l’entraide et le partage, il fait preuve d’une vraie préoccupation humaine. Alors, quand les percussions africaines viennent battre la mesure sur une cumbia ou diverses mélodies cubaines, l’envie de se déhancher et de se mêler aux autres est irrémédiable. L’acoustique embrase le dancefloor et l’électronique parcourt les rues : tout semble aller dans tous les sens, mais ce n’est qu’une impression, car la musique vagabonde d’El Gato Negro est bien déterminée à nous montrer le chemin à suivre.
Nicolas Claude
CONSTANCE VERLUCA
Longtemps
(Varenne Varenne)
Depuis son remarquable premier essai en 2007, Adieu Pony, Constance Verluca nous avait laissés sans nouvelles pendant Longtemps. Titre de son nouveau recueil de dix chansons, avec les contributions de Julien Baer, Julien Hirsinger, la section rythmique de Gush et Grégoire Hetzel. Les morceaux sonnent ouvertement 60’s dans le ton et les arrangements. Magistralement produit, orchestré - cordes enregistrées à Abbey Road - et chanté de sa voix délurée, Longtemps qui ouvre le disque est un classique instantané, une chevauchée fantastique. Pour devenir Comme un adulte et perdre l’innocence « il faudra faire semblant ». La fille la plus triste du monde aurait pu être chantée par Françoise Hardy en 67. Avec, J’ai goûté, « la vie sans toi et c’est pas bon », l’ingénuité des textes n’est qu’apparente. On aime Petit frère, Abandonne, et Pas de haine en forme de supplication narquoise, qui clôt cette éclatante et trop courte collection pop moderniste.
www.facebook.com/VerlucaConstance
Sam Olivier
GONTARD
2029
(Petrol Chips / Ici d’ailleurs)
2029 est un album qui réussit le prodigieux tour de force d’éclairer le temps présent. Celui de « la France périphérique » et des gilets jaunes, celle décrite par E. Louis avec En finir avec Eddy Bellegueule ou D. Eribon dans Retour à Reims. Sous la double couverture de la fable d’anticipation et du concept album, notre Drômois réalise la synthèse parfaite entre la folie créatrice d’un Melody Nelson et la critique sociale d’un Frère animal. Bien sûr, les pisse-tiède trouveront la comparaison osée, tant cet album semble revêtir au premier abord les contours habituels de l’oeuvre de Gontard. Ce mélange de voix scandées et de beats hip-hop, d’emprunts à une certaine variété kitsch des années 70 et de la colère du rock qui constitue une véritable marque de fabrique. Mais jamais depuis les premières mix-tapes de l’artiste, l’alliage ne s’était opéré avec autant de fluidité, ouvrant la voie à une nouvelle chanson française, libre, érudite, singulière et évidente à la fois.
Alex Monville
KARPATT
Valparaiso
(Auto-produit / L'Autre Distribution)
Huitième album pour le combo Karpatt qui nous régale depuis presque vingt ans avec ses ritournelles entre chanson française, jazz manouche et rock. Angora, le précédent opus paru en 2016 était parti explorer des sonorités plus latines. Avec Valparaiso, Karpatt prend complètement ce virage et nous emporte dans les rythmiques et les sonorités sud-américaines inspirées par une tournée mémorable au Chili. Côté textes, ce sont évidemment des sujet sociaux qui sont à l’honneur. L’histoire de mineurs dans La mine, les tremblements de terre politiques, sociaux et géographiques dans Tremble ou bien encore l’histoire de Canto libre, un mouvement de révolte né au Chili dans les années 70. Un écrin musical dansant et cumbiesque pour des textes engagés et piquants... À l’image de la pochette, l’univers est aussi chaud et coloré que les toits de Valparaiso, vous pouvez le mettre d’ores et déjà dans vos valises pour vos vacances ou vos prochaines manifestations...
Grégory Couvert
ÉMILIE MARSH
Éponyme
(Fraca !!!)
Le nouvel album d’Émilie Marsh est réalisé par Katel & A.L.B.E.R.T. et mixé par Fabien Martin. Les dix titres de pop-synthétique qui le composent vont à l’essentiel. Tel celui qui ouvre le disque, J’embrasse le premier soir, en forme de carpe diem délicieux. On aime l’ambiance musique de film glauque et l’héroïne d’Où vas-tu la nuit, habitée par une double personnalité, l’une assistant impuissante aux perversions de l’autre. Faut-il tomber les masques et se mettre à nu ? se demande Émilie dans Goodbye comédie. Où est passée L’aventure s’interroge celle qui veut vivre plus intensément ? Des Vents violents, traversent cette amoureuse comme un incendie qui la ravage. Elle entre en connexion Sur les ondes, avec Dani, pour un duo savoureux et sensuel. À quoi je tiens, conclut cet album intense (trente et une minutes) et nerveux, par un texte à double sens réjouissant : « ce qui me tient debout et ceux à qui je tiens ». Pas de doute, la musique d’Émilie Marsh a belle allure.
Sam Olivier