MON CÔTÉ PUNK
Picaflor
(Zamora)
Avec cette quatrième production studio, six ans après la sortie de Passeport, c’est sûrement son meilleur album que nous livre Mon Côté Punk. Le groupe a repris la route en 2016, et s’est envolé pour une tournée colombienne qui définit la couleur musicale dansante et ensoleillée de ces quatorze titres. Celui qui donne son nom au disque, Picaflor (colibri en français) est un vibrant hommage à Fathi Oulhaci, membre fondateur du groupe disparu en 2015 mais c’est avant tout un bel hymne à la vie. Tous auteurs et compositeurs, leurs plumes font toujours montre d’une belle sensibilité (Mauvaise fille, Sans relâche) et d’humanisme au travers de titres tels que Les sirènes sur les migrants, Tom-Tom sur les puissants ou Les derniers hommes. Avec de nombreux invités tels Loïc Lantoine, René et Marco Lacaille, André Minvielle, etc., Picaflor, malgré la nostalgie qui émane des textes, est un album lumineux indispensable.
www.facebook.com/moncotepunkofficiel
Stéphanie Berrebi
COFFEES AND CIGARETTES
Freak show
(Tekini Records)
Faisant référence au célèbre film de Tod Browning, Coffees and Cigarettes nous présente une nouvelle fois un album thématique. Après une introduction engendrant une belle montée en pression, Freak show nous catapulte instantanément au cœur d’un univers imaginaire et macabre peuplé de monstres tels que les zombies, les vampires et autres Frankenstein. Musicalement, C&C impose une personnalité forte, semblant assumer un style plus homogène et percutant que sur London western. Épaulé par sa violoniste enchanteresse, le talentueux et touche-à-tout Renaud Druel nous a concocté un cocktail explosif d’électro-rock et de hip-hop. Nous rappelant Marc Nammour et La Canaille à travers un flow et un choix lexical parfois similaires (Lili, Un cri), l’artiste se révèle bien plus frontal et revendicatif qu’il n’y parait. Sombre et intense, Freak show témoigne d’une vitalité monstrueuse !
Nicolas Claude
LES FOUTEURS DE JOIE
Des étoiles et des idiots
(Auto-produit)
Leur nouveau spectacle Des étoiles et des idiots tournant depuis l’année passé, il était temps d’enregistrer l’album du même nom. Comme sur scène, les Fouteurs de Joie affichent l’envie de nous remettre sur le chemin de la bonne humeur, même dans La supplique des patrons dans laquelle il est sacrément euphorisant de chanter « Donnez-nous du chômeur ». Sur ce quatrième album, pas moins de vingt-deux étoiles, Les Fouteurs de Joie chantent en allemand (Da da da) - c’est beaucoup plus marrant que les cours du collège LV2 - ou font du karaoké dans un resto chinois (Le karaoké). Se mêlent des chansons d’actualité qui évoquent les poulets qui ont trop peu couru (C’est drôle) ou la fonte des glaciers (Tu me parles) et des morceaux délires : une chanson en pointillé À moins que en quatre étapes. Mais jamais la musicalité n’est en reste, même avec la contrebasse, ils ont l’énergie d’une fanfare devenue dingue.
Audrey Lavallade
DAVID VENITUCCI & ANNICK CISARUK
La vie en vrac
(EPM / Rue Zasky)
Après trois albums de reprises, le duo David Venitucci et Annick Cisaruk se lance dans une première création avec cette Vie en vrac. Avec toutes les tonalités et les rythmes de son accordéon, David installe une ambiance propice aux textes écrits par l’exigeant Yanowski. Véritable plongée dans les roulottes des Gitans, les bas-fonds urbains d’un autre siècle et dans les légendes d’Ukraine et de Pologne, les quatorze titres nous immergent parmi les assassins, les cartomanciennes, les saltimbanques et les âmes torturées. Les femmes sont au coeur de ce tableau enchanté, entre désir de fuite, quête des origines, portraits nostalgiques, universels qui révèlent ici et là une part d’histoire de Cisaruk. Sa palette détonante d’interprétations qui s’adapte à chaque personnage finit de nous happer dans ce voyage hors du temps réalisé à trois.
http://annickcisaruk.wixsite.com
Benjamin Valentie
BONBON VODOU
African discount
(Lacaza Musique / Ignatub / L’Autre Distribution)
À l’instar de Sages comme des Sauvages ou Grèn Sémé qui se sont imposés récemment, Bonbon Vodou arrive avec fracas sur la nouvelle scène de la musique réunionnaise grâce à ce premier album. Avec une quinzaine d’invités aux instruments et aux choeurs (Chloé Lacan, René Lacaille, Patrick Bebey, Régis Givazo...), le duo Oriane Lacaille et JereM offre douze titres denses, aux arrangements riches et foisonnants, le tout pourtant calibré en moins de trois minutes. Partant du maloya pour s’aventurer du côté des sonorités africaines, de la chanson et de la pop, mélangeant le français, l’anglais et le créole, les deux Vodou offrent une musique inédite, fraîche et joyeuse. La bonne humeur transpire même quand des sujets comme l’exil, la lassitude ou les pièges de l’amour sont traités. African Discount reste cependant une ode à l’amour et au soleil, par deux voix en symbiose qui ont intelligemment élaboré la recette de ce bonbon dépaysant.
Benjamin Valentie
BERNARD LAVILLIERS
5 minutes au paradis
(Barclay)
Que de talents combinés pour concevoir les onze titres de ce vingt-et-unième album de Lavilliers. Loin des musiques tropicales, les arrangements sont cuivrés, les cordes soyeuses, les guitares énergiques et les percussions subtiles. Feu ! Chatterton joue les backing bands sur deux chansons furieusement 70’s : un portrait percutant de la ville de Charleroi où « la mort fait du charme » et la chute implacable d’un cadre dans Bon pour la casse. Fred Pallem arrange quatre titres, dont La gloire sur un texte allusif de Pierre Seghers et le monumental 5 minutes au paradis orchestré façon musique de film. Deux titres sur un Paris révolu : Montparnasse - Buenos Aires et Paris la grise sont arrangés par Benjamin Biolay sous forme de boléros nostalgiques. Romain Humeau (Eiffel) s’attaque à Vendredi 13 qui évoque les attentats de Paris. Pour finir avec de L’espoir en duo avec Jeanne Cherhal, joué par Florent Marchet au piano. Un disque ensorceleur.
Sam Olivier
NICO ÉTOILE
La vie suspendue
(Auto-produit)
C’est à Lyon, sur la scène d’A Thou Bout d’Chant que Nico Étoile est devenu chanteur. Il a fait son chemin depuis mais c’est à ses amis lyonnais qu’il a fait appel pour cet album de cinq chansons qui donne une dimension nouvelle à son travail, aidé par une belle équipe, parmi les meilleurs musiciens de la scène locale : Cécile Wouters au piano, Frédéric Bobin et Arno Jouffroy aux guitares. Nico chante les losers magnifiques dont on a du mal à imaginer qu’ils puissent vraiment lui ressembler. On y croise un attardé social, « rêveur onaniste » qui aime trop les femmes. On y plonge dans le mariage apocalyptique des « amants pavillonnaires ». Et dans La vie suspendue, qui donne son nom à l’album, un pendu chante « ne me décrochez pas, je veux pas redescendre sur terre ». Enregistré dans une des meilleures adresses de la région, le studio de l’Hacienda, La vie suspendue est une réussite de poésie noire et d’humour impudique.
Yves Le Pape
POMME
À peu près
(Polydor)
Elle est loin la petite Claire qui chantonnait Barbara du haut de ses huit ans. Aujourd’hui, elle se présente sous le pseudo de Pomme et monte sur les plus grandes scènes. Sur les planches, la chanteuse a longtemps été seule avec sa voix et sa guitare. En revanche, pour l’album, elle bénéficie d’une production majestueuse, à l’image du titre d’ouverture À peu près, grandiloquent et entêtant. Les orchestrations servent la voix cristalline, douce et profonde de la jeune artiste qui chante sans naïveté des amours adolescentes. Un album alternant entre une pop entraînante (Comme si j’y croyais, Même robe hier, l’amusant Pauline) et de la folk plus grave (Ce garçon est une ville, l’envoûtant Adieu mon homme, De quoi te plaire avec des accents rappelant Axel Red), et même un titre en anglais (A lonely one). Tout est calibré pour cartonner sur les ondes. Petit regret cependant : l’album se concentre sur la voix de Pomme, en occultant sa virtuosité à la guitare et l’autoharpe.
Pierre Vion