MULTI-ARTISTES
Desjardins
(117 Records)
Encore un hommage ! Pas grave, c’est pour Richard Desjardins. Oui, cet auteurcompositeur-interprète abitibien cinglant de justesse, de la famille de Leonard Cohen, Lluis Llach, Victor Jara, Dick Annegarn… Chez nous, c’est sûrement Francis Cabrel qui le fait connaître en lui empruntant Quand j’aime une fois c’est pour toujours. L’importance de Desjardins est majeure dans ce que le Québec a su apporter à la chanson francophone, et c’est bien la fine fleur de la région qui se précipite à l’exercice sur cet album tout à fait réussi, imaginé par Philippe B. Pas évident, on imagine, de se glisser dans les histoires du conteur, parfois rudes et à l’interprétation si personnelle, mais chacun fait à sa façon, quitte à s’éloigner franchement de la forme originelle. Des artistes aussi différents que Klô Pelgag, Avec Pas d’Casque, Keith Kouna, Les soeurs Boulay, Koriass… Le défi est remporté avec l’humilité d’une première déclaration. Joli.
Jean-Pierre Michy
ANAÏS
Divergente
(Reft Prod)
Parce qu’il est toujours bon de laisser libre cours à son désir d’indépendance, Anaïs nous propose de découvrir son nouvel opus haut en couleurs et en contrastes, Divergente. Un album qu’elle a voulu à son image, libre, inspiré, qui puise dans différents styles musicaux, allant de la pop à la soul en passant par les sonorités du rock des années 60. Elle n’a peur de rien Anaïs, alors elle décortique le quotidien avec humour, impertinence, jouant tout aussi bien les gentilles niaises que les femmes qui s’assument : Bain moussant, Why are you so mean, J’ai retrouvé mon mojo… Délirante dans Schizophrénia, doucereuse dans I hold my lamp, en duo (I couldn’t love you) ou seule, Anaïs déborde d’énergie et d’espièglerie. Même si aujourd’hui la dame est entourée de musiciens, on retrouve dans cet album l’esprit du Cheap show qui nous avait tous séduits. Comme quoi la divergence ça a du bon !
Sandrine Palinckx
OLIVER SAF
Aux murmures de l’aube
(Darjeeling Speech / Come on Tour)
Décidément le texte en français n’a de cesse de poursuivre une mue, sans doute provoquée par la double réussite de Stromae ou #Fauve d’une part et l’explosion commerciale d’une nouvelle génération de rappeurs à la PNL d’autre part. Ce premier EP d’Oliver Saf est l’illustration parfaite de l’influence grandissante de ce courant dit de « chanson urbaine ». En contrepoint à quelques riffs de guitare bien sentis, beats électro et voix scandées/murmurées définissent la signature musicale de notre Rennais. Après plusieurs aventures en groupe (Micronologie, Darjeeling Speech), notre trentenaire vient tout au long de ces cinq titres nous faire partager son spleen de la ville et de l’époque. Transports urbains (Lignes) ou volatiles (Pigeon de Paris) en guise de métaphores de nos carcans modernes, auxquels on préférera la rage contagieuse d’un J’étouffe, futur classique d’un répertoire qu’il nous tarde déjà de découvrir.
Alex Monville
BURIDANE
Barje endurance
(Musique Sauvage)
Buridane a travaillé longtemps avec Cédric de La Chapelle, son musicien, pour sortir Barje endurance, son second album après Pas fragile en 2012. L’artiste porte le nom d’un philosophe et le porte bien. Ses chansons racontent sa vision de la vie, de l’amour, du désir. Dans Le déclin, elle chante la séparation des amants : « avant que l’on se sente trop bien pour que ça dure ». Mais la philosophe est aussi poète et ses textes sont très profondément ciselés dans la lignée de Bashung comme dans Mauvais sort où elle évoque le « catalyseur cathartique aguerri aux secrets ». Mais c’est d’abord l’univers d’une jeune femme complexe et émouvante. Son parlé-chanté permet d’entendre clairement ses textes et de mieux en mieux les comprendre à chaque nouvelle écoute. Éric de La Chapelle appuie le chant d’une musique aux efficaces tonalités électro mais une guitare plus discrète est aussi souvent là pour les chants plus paisibles.
Yves Le Pape
CARGO INDIGO
Cavale
(Suisa)
Ce trio, composé de Virginie, auteure-compositrice, chanteuse et guitariste, de Claude aux percussions et trompette et de Maï à la basse, sort son premier EP. Le titre d’ouverture À tombeau ouvert frappe fort et débute par le bruit du vent qui souffle sur une lande désertique. Puis on est happé par la voix de Virginie, une voix qui grince des dents et on pense au meilleur de Noir Désir. Dans Où je demeure la chanteuse se fait dompteuse de chevaux sauvages avec sa guitare drue. Volières est la parabole d’une âme oubliée avec un piano dense et un refrain entêtant : « Si seulement les églises étaient des bateaux tournés vers le ciel. » L’héroïne se tient debout Sur le seuil, guitare à donf et regarde une Porshe cramer. Dans Reflets du Pacifique, les ambiances sonores sont tendues façon western avec une basse cruciale et cette voix cassée qui hurle son désespoir. Pour clore une Cité blanche au milieu du désert pleure une jeunesse enfuie. Un EP de mélancolère salutaire.
Sam Olivier
LOU COUM
Speak easy
(LMC Records)
Un surnom qui lui sied à ravir, tellement l’univers de Louis Coumian rime avec douceur et plaisir. Impossible de ne pas penser à Michel Jonasz parmi les influences de l’artiste, lui qui suit le sillon du mélange du jazz et de la chanson. C’est donc au rythme joyeux de la contrebasse, que se mélangent piano, guitares ou banjo, des trompettes et bien sûr batterie. Malgré le son rétro, l’artiste n’hésite pas à glisser quelques touches d’électro. Les textes sont quant à eux bien d’actualité. Le disque a ce goût de sucré-salé, par ses musiques joyeuses et entraînantes portant des textes crus à l’instar de Madame la Marquise ou Le vieillard. Lou Coum nous conte des histoires dans son histoire, héros et observateur d’un film ambiance, Boîte de jazz, qui se déroule au fil des titres. L’influence du hip-hop se ressent par les « égotrips » en intro et sortie de disque. Lou Coum offre un album riche et savoureux, qui se déguste sans modération.
Stéphanie Berrebi
SUPERBRAVO
L’angle vivant
(Zamora Productions)
Dans quelle drôle de jungle épique nous invite le visuel bleu étrange, liquide et animal, de l’album de SuperBravo ? En ouverture, une reprise du trio parisien Un baiser, une bombe de David Lafore qui entreprend de remonter le temps. C’est pop, rétro, et aussi frais, mais intense et voluptueux. Les voix mêlées d’Armelle Pioline (Holden) et Julie Gasnier (LaLa Factory) palpitent et frôlent, offrent la respiration, à l’avant d’instruments à fleur de peau, eux aussi. Treize titres qui secouent, avec la même douceur, une humanité douloureuse. Abordant l’amour par-ci, l’arrachement par-là, sous la perfusion de guitares tortueuses (Michel Peteau) et autres sons glanés, ludiques. Le résultat est une planète hirsute où l’on voyage, Au cœur des hommes, avec richesse. Le choix d’un minimalisme sonore, mais une précision de haute voltige ; des mots simples et bien choisis, et des images percutantes pour l’esprit. C’est ça, un Angle vivant : brut, ébréché, minéral.
https://superbravomusic.wordpress.com
Vanessa Fantinel
MADEMOISELLE K
Sous les brûlures, l’incandescence intacte
(Kravache)
Avec un Bonjour, bonjour en guise de titre introductif, où Mademoiselle K prend une voix de gamine espiègle sur des airs très pop 80’s, on se demande où va aller ce nouvel opus d’une des références de la scène rock. Au fil des chansons, la cohésion se fait et le nom du disque prend tout son sens. Après une parenthèse anglophone avec l’album Hungry dirty baby, c’est avec joie que nous accueillons cet album en français, les mots insolents et un sens très personnel de prendre le monde à contre-sens. On retrouve ce qui fait le charme de la demoiselle, ce qui vient nous gratouiller l’oreille depuis plus de dix ans maintenant, un rock brut avec juste ce qu’il faut de synthés, des rythmiques acérées, une voix hautperchée, cassée, sensuelle. Fille spirituelle de PJ Harvey et Nina Hagen, Mademoiselle K nous saisit une nouvelle fois avec cet album faussement foutraque qui devrait ravir les fans de la première heure.
Stéphanie Berrebi