IAROSS
Le cri des fourmis
(Label Folie)
Après Fragments, un EP reprenant des titres du précédent opus enregistrés en live (histoire de nous faire patienter ?), Iaross revient cette année avec un nouvel album, Le cri des fourmis. Un album tout en intensité, dans lequel on découvre des mélodies sobres et épurées qui laissent place au chant puissant et habité de Nicolas Iarossi (Jamais rien ne revient, Tes pas), des mélodies envoûtantes (Nous nous sommes oubliés, La colère) mais aussi des débauches de sonorités incroyables : 14/14, Courir... Collaborations avec un trio de cordes, un trio de cuivres, participation de Carlo de Sacco du groupe réunionnais Grèn Sémé, et bien évidemment le violoncelle, les guitares, percus, batterie et claviers... tous ces éléments font que Iaross explore, explose, lâche son cri entêtant. Textes qui vont à l’essentiel, arrangements précis, le trio signe avec Le cri des fourmis un album très abouti. On ne peut qu’adhérer à ce souci d’authenticité !
Sandrine Palinckx
LEILA HUISSOUD
L’ombre
(Jaspir Prod)
Trois ans ont été nécessaires depuis son aventure télévisuelle sur TF1 pour préparer et peaufiner ce premier album. Pas de gros label, de machine de guerre médiatique, Leïla Huissoud est restée fidèle à ses idées et a su s’entourer et avancer pas à pas. Se déclarant elle-même de la lignée des chansonniers, les textes prennent une place primordiale. On y parle d’amour, de la France, de l’humain et... d’Alexis HK dont la voix suave et les mots précis ont marqué son adolescence. Le langage est parfois cru mais toujours enveloppé d’une poésie qui surprend par sa maturité. La musique, épurée, est portée principalement par une guitare accompagnée d’un piano, d’un harmonica et de choeurs signés Kevin Fauchet. Enregistré en condition live qui accentue ce côté intimiste, cet album est avant tout la photographie d’une femme de vingt ans, avec ses doutes et ses espoirs, ses coups de folie et son énergie bienveillante.
www.facebook.com/LeilaHuissoudofficiel
Mathieu Gatellier
ASKEHOUG
French kiss
(Ulysse Maison d’Artistes / L’Autre Distribution)
Dès l’introduction, Askehoug, dandy moustachu au visage taillé à la serpe, nous fait pénétrer dans son univers loufoque : nous avons fait un bond dans le futur, Internet a disparu, l’art est révolutionné. Ancien punk, aujourd’hui en costume trois pièces, Askehoug incarne aujourd’hui l’élégance musicale. À fines notes, il distille de sa voix pénétrante les égarements de l’Homme : cette solitude, si compliquée à apprivoiser, où on commence à avoir des conversations avec ses meubles, les disputes avec ses semblables où on n’a pas les bonnes réponses, s’imaginant s’il le faut en Nuage pour observer de haut. Il invente aussi les travers des animaux, qui à leur tour se mettent en guerre. Un vent de folie surréaliste souffle dans ses chansons. Avec son style estampillé, de plus en plus rock au fil des albums, il se libère de la production francophone, lui qu’on a tant comparé à Arthur H et se joue de tout. Qu’il est beau d’être libre et fou.
Audrey Lavallade
HK
L’empire de papier
(Blue Line)
HK (Kaddour Hadadi) surprend et ne s’entoure pour ce disque que de quelques-uns de ses Saltimbanks, pour nous livrer un répertoire toujours engagé mais pour le coup un peu plus personnel. Le chanteur humaniste continue de nous faire lever par l’exaltation et l’éloquence de sa plume : il partage avec nous sa vision de cet Empire de papier qui érige les murs et divise notre société, à travers des histoires qui résonnent fortement par leur actualité (Refugee, Ubuntu). L’impertinence est bien sûr de mise, tout comme l’envie de résistance, omniprésente dans les textes (Give me (un autre chant de bataille), Assigné-e-s à résistance) qui se parent toujours d’accents world, folk et reggae chers à HK, accentués à souhait par des choeurs féminins. Ce soir nous irons danser est un final entraînant, chargé d’espoir, de rêverie et de poésie, qui résume idéalement l’esprit de cet album.
Quentin Hingrand
VIOLETT PI
Manifeste contre la peur
(L-A be)
Associer le nom d’une plante aux propriétés vomitives à celui d’un nombre irrationnel pour inventer un nom d’artiste, voilà qui pose d’entrée le contexte ! Irrévérencieux, provocateur et brillant, Violett Pi bouscule les conventions. Musicales d’abord, en mélangeant avec brio Limp Bizkit et Franck Zappa avec des arrangements subtils et poussées de fièvre quasi punk. Poétiques ensuite, en contant des histoires d’amour fou et de fous d’amour, de méthadone et de bondage. Foutraque ? Que nenni ! Ce Manifeste contre la peur, non content de chatouiller le cadavre de Twin Peaks s’avère un bijou pop avec pour sommet un sublime Les huîtres de Julie Payet tout en rupture de rythme et harmonies comme si Calogero avait composé la B.O de Délivrance avec Kurt Cobain à la guitare. Loin de l’image du gentil cousin québecois, ce Violett Pi livre une oeuvre remarquable en forme d’interrogation sur le corps, véhicule de douleur et de plaisir. L’oeuvre d’un ogre assurément. Gigantesque et dévorante.
Alex Monville
DJÉ BALÈTI
Moko
(Sirventés / L’Autre Distribution)
Djé Balèti possède une saveur métissée unique. Il y a cet accompagnement en arpège, joué à la guitare pour bouléguer les plus mous. Rumba congolaise ? Highlife ghanéen ? Peu importe, on se sent propulsé en Afrique et les choeurs n’y sont pas pour rien. Mais cette guitare qui sonne punk n’en est même pas une. Est-ce une mandole Chaâbi ? C’est un instrument pas vu à la télé, pas vu en magasin ; le musicologue est à la peine. L’espina, instrument à quatre cordes qui malgré son manche, semble tenir de la mandoline napolitaine, vient du sud. Comme le chant qui s’exprime principalement dans la plus belle langue du monde, l’occitan. En réalité ils sont trois Toulousains, leur manière est définitivement rock et leurs textes forts tiennent bon dans cette messe païenne et sans frontières. La transe est là, juste à côté. Et c’est en bal qu’on a envie de les entendre et de se laisser emporter, même si ce disque est déjà un très, très grand moment.
Jean-Pierre Michy
LÉOPOLDINE HH
Blumen in topf
(Auto-produit)
Il y a plusieurs personnes dans la tête de Léopoldine HH. Et pas seulement plusieurs versions d’elle-même, comme on peut l’entendre dans Je suis dans l’air, chanson où elle multiplie sa propre voix. Non, il y a de petits avatars de Fontaine, de Gotainer et de Daphné qui vivent dans cette chanteuse, et qui parfois s’expriment dans cet album foutraque, Blumen in topf. Léopoldine aime peut-être les fleurs en pot (« Blumen in topf », justement), mais il est impossible de la mettre dans une case. Les racines musicales de cet album vont puiser loin, de Schumann à l’électro la plus braque. L’Alsacienne a fait un joli parcours à la Nouvelle Star et on comprend pourquoi : elle fait à peu près ce qu’elle veut avec sa voix. Mais il ne faudrait pas réduire cet album à une performance vocale d’une ersatz de Nina Hagen. On y trouve des fulgurances poétiques, d’élégantes lapalissades (« c’est quand on a plus vingt ans qu’on sait qu’on a eu vingt ans ») et beaucoup de fraîcheur. Réjouissant et épuisant.
Faki Resko
KAORI
Aux î les fortunées
(Auto-produit)
Rarement un disque n’aura parcouru une telle distance pour arriver à la rédaction de FrancoFans ! En effet, c’est la Nouvelle-Calédonie qui est représentée ici avec le groupe Kaori, composé de Alexis Diawari et Thierry Folcher. Ces deux musiciens nous offrent un album du bout du monde mélangeant habilement la country et le blues américain, la bossa nova brésilienne, la chanson française ou bien encore le reggae jamaïcain. Pour ce faire, ils sont accompagnés par une pléiade de musiciens aux congas, à l’harmonica, à la trompette, au bugle, au trombone, au saxophone et autres claviers et percussions. Produit et arrangé par Lionel Gaillardin (Biolay, Keren Ann, Lisa Portelli), le disque a des accents îliens et emporte dans un voyage poétique métissé. Le Kaori, arbre millénaire des forêts calédoniennes, illustre l’esprit de cette formation... Des racines musicales profondes et des branches multiples tournées vers le ciel et le monde.
Greg Couvert