GÉRARD BASTE
Le prince de la vigne
(Profites !)
Que les fans de rapcore francophone se rassurent : l’ancien Svinkels est de retour en solo ! Toujours aussi centré sur le sexe, la boisson et la fête, Prince G ne s’est pas assagi et c’est tant mieux ! Assumant parfaitement ses cent-dix kilos de sympathie et un ego surdimensionné, cet artiste se moque autant de la société que de lui-même. Si le ton est cru, potache et pas toujours politiquement correct, il n’en est pas pour autant vulgaire ! Avec un flow bien à lui et des rimes riches dont lui seul a le secret, Gégé a réellement le sens de la formule et de la punchline. Sur des instrus côtoyant divers styles comme le rock, le hip-hop, l’électro ou le jazz, il nous guide alors naturellement dans son univers de luxure, un paradis artificiel réservé aux épicuriens et aux bons vivants... Gérard a simplement gardé une âme d’enfant à sa manière et c’est pour cela qu’il doit son succès à son immaturité !
Nicolas Claude
AUGUSTE WOOD
Hirondelles et crustacés
(Auto-produit)
Auguste Wood, le jeune Ardéchois, est d’abord un homme de scène : son spectacle est festif et déjanté. Avec Hirondelles et crustacés, son premier EP, il réussit le passage à l’enregistrement. Cet album illustre avec pertinence tous les talents de l’artiste qui rappelle aussi bien Boby Lapointe que GiédRé. Il sait jouer sur les mots et la trivialité ne lui fait jamais peur. Soutenus par des mélodies joyeuses et très dansantes, ses textes construisent un univers très personnel. Avec Chienne de vie ou L’amour en boîte, on sent chez l’artiste que, derrière l’humour et la fête, il y a aussi une vision du monde plus noire qu’il n’y paraît au premier abord. Avec Oublie moi, il chante même l’amour avec un vrai désespoir. Mais Caroline, le tube qu’il revendique, est une chanson qui réjouit le public et enchante cet album dont on attend la suite avec impatience.
http://augustefromthewood0.wixsite.com/ augustewood
Yves Le Pape
SYRANO
Mysterium tremendum
(Les Doigts dans l’Zen)
Avec cent vingt planches de bande dessinée pour accompagner son disque, cet artisan autodidacte nous propose une immersion totale dans son univers « syranesque », à la croisée du réaliste et du fantastique. Dans l’esprit de Musiques de chambre, l’artiste immisce son flow dans une musique qui mêle la chanson acoustique et populaire à un style plus urbain, hip-hop et électro. À l’instar de Tim Burton, ce fabuliste des temps modernes nous plonge alors dans une ambiance aussi tendre et poétique que macabre. Aérienne ou puissante, la musique est hypnotique et poignante. La tête dans les nuages mais les pieds ancrés dans le sol, il nous livre une nouvelle fois de belles métaphores sur le monde. Toujours cohérent dans le choix de ses mots, ses mélodies et ses dessins, il nous démontre un investissement sincère avec ce magnifique livre-CD. Rien de mieux qu’une création de Syrano pour refaire le plein des sens !
Nicolas Claude
NILEM
Un abri dans l’incendie
(Shamone Productions)
On peut trouver dans ce second EP du Parisien la bande-son idéale pour passer les longues soirées d’hiver. Clément Simounet, alias Nilem, revient quatre ans après son premier EP, avec un six titres à l’ambiance feutrée, boisée. Impossible de ne pas faire le rapprochement avec Daran lorsqu’on écoute la voix légèrement cassée, timbre grave posé sur un son folk-rock mélodieux, qui mêle guitares électrique et acoustique, claviers, basse, violoncelle et batterie. Sur des riffs entêtants, Nilem nous balade dans ses refuges (Sur ma branche, Calme la mer ou Un abri dans l’incendie), ces endroits qui nous font du bien quand le monde nous étouffe. Même avec Du plomb dans l’aile, la poésie douce, contemplative et mélancolique est une quête vers la lumière, vers le bien-être qui se fait de petites choses, de savoir prendre son temps. Avec ces six pépites, Nilem assouvit nos envies d’évasion.
Stéphanie Berrebi
SAULE
L’éclaircie
(PIAS)
De son vrai nom Baptiste Lalieu, Saule revient quatre ans après Géant, qui était déjà son troisième album. Dusty men, son duo avec Charlie Winston (qui avait également réalisé l’album) va le propulser sur le devant de la scène. Pour ce dernier opus, il a fait appel à Mark Plati (Bashung, Louise Attaque...). S’il sait s’entourer, il a également compris la recette d’un tube. Car cet album en fourmille. Des musiques légères, produites dans l’air du temps, légèrement pop, folk avec des petites touches électro égrenées au fil des douze titres. Mais notre chanteur belge tient avant tout à mettre en avant sa fibre artistique et se démarquer de notre société d’uniformisation. C’est en le lisant qu’on comprend ses particularités et ses failles (Quand les hommes pleurent, Nulle part chez moi), ainsi que sa quête d’identité sur le premier single, Comme. Le tout porté par sa voix claire et limpide, où se mêle çà et là un léger accent belge fort attachant.
Mathieu Gatellier
DANAKIL
La rue raisonne
(Baco Records)
Le reggae, passé de mode ? En manque de souffle ? Négatif, à écouter Danakil, on pense plus au miracle qu’au mirage. Plus à l’oasis qu’au désert. Un an après Entre les lignes, ce poids lourd du reggae francophone revient déjà avec un cinquième album studio, s’entourant de Patrice, Natty Jean ou encore Flavia Coelho et même de la mandoline de Gianluca Campanino (Il en restera quelque chose) pour du reggae à l’italienne. Si Danakil éclot surtout sur scène, le groupe porté par la voix inspirée de Balik ne délaisse pas pour autant la qualité de l’enregistrement. Le soin apporté ici et le souci de l’analogique donnent une belle profondeur à ces treize chansons. Médias, identités, disparitions, colères citoyennes, la formation attaque des sujets lourds avec une plume tout aussi mordante. Le texte y est encore central mais les mélodies toujours aussi efficaces. Au service d’une raison, qui tente de résonner.
Arnold Faivre
ARNOLD TURBOUST
Éponyme
(Hebra / Modulor)
D’Air à Lescop, en passant par La Femme, tous se réapproprient les codes de la synthpop des années 80, marquée par les batteries échantillonnées, les arpèges cristallins et la prééminence du synthétiseur. Un des disques francophones majeurs de l’époque reste bien sûr le Pop satori de Daho sur lequel Arnold Turboust prit une part majeure. Ce cinquième album solo de notre discret chanteurcompositeur-arrangeur s’inscrit dans cette continuité. Dans les sonorités, mais aussi dans les thématiques avec la célébration de la beauté, des corps, du désir, une forme d’hédonisme en réponse aux maux de l’époque. Crise économique et sida autrefois, terrorisme et surveillance de masse aujourd’hui. Point de nostalgie, mais plutôt une sorte d’album de pépites oubliées : En rêve et sa voix parléechuchotée, le bien nommé Bubble gum ou le clin d’oeil à Trenet que constitue le superbe Le soleil et la lune. Les 80’s sont mortes ? Vive les 80’s.
Alex Monville
PRESQUE OUI
Icibalao
(Association Presque Oui)
C’est toujours une bonne nouvelle quand un artiste de qualité, Thibaud Defever (Presque Oui) met sa plume et sa guitare au service des plus jeunes. C’est l’histoire de Thibaud et Nina, un garçon un peu froussard et une petite fille téméraire qui décident de partir à la recherche de l’Icibalao, ce pays où on peut poursuivre ses rêves, avant que les fleurs qui poussent dans le sang de la fillette ne l’empêchent. Comme dans L’écume des jours de Boris Vian, amour, maladie et deuil s’entremêlent : il n’est jamais trop tôt pour évoquer les petits et grands drames de la vie. L’histoire qui jongle entre humour et tendresse est aussi un très beau spectacle porté comme sur l’album à trois, avec Pierre Marescaux (trombone) et Romain Delebarre (batterie). Avec des chansons qui accrochent très vite le coeur des enfants, Thibaud se révèle un conteur hors-pair qui joue avec les fantômes, aides indispensables pour se construire et se reconstruire.
Audrey Lavallade