BOB’S NOT DEAD
J’y pense
(Cacahuète Production)
S’il a l’habitude de proposer ses chansons punk-rock sur scène en solo, le guitariste a profité de l’enregistrement de ce deuxième album studio pour élargir sa palette musicale avec l’aide d’amis musiciens. Fidèle à lui-même, il nous fait part de ses influences qui vont de Renaud (Creuse Manouch’) à Trust (À l’encre noire). Néanmoins, entre deux riffs nerveux, Bob’s not Dead sait aussi nous émouvoir avec de douces mélodies (Au détour d’un troquet) comme nous faire rentrer dans la danse au son du rockabilly (J’y pense) ou de la country (Black out). Tour à tour drôle, réaliste et poétique, le style d’écriture permet à ce vrai coeur tendre de se démarquer. Parvenant à faire passer certains sujets graves avec légèreté, l’artiste nous dévoile sa philosophie, celle de ne jamais oublier de vivre. Transpirant d’authenticité sous son cuir, Bob’s not Dead est un punk aussi caustique que touchant.
Nicolas Claude
MÂRIE ADÔRE
L’été n’existe plus
(Auto-produit)
Il est des albums qui prennent le temps de se construire, tel un projet de vie. L’été n’existe plus en est le parfait exemple. Il sort enfin aujourd’hui sous la forme d’un EP (six titres) et laisse entrevoir une suite prometteuse. Une réalisation soignée dans laquelle on retrouve en plus du trio basse-guitare-batterie, des touches de violon et de trompette donnant à l’ensemble ce goût si particulier des années 60. Sans jamais s’enfermer dans un style ou une époque, la force de cet opus est d’allier modernité et passé. Textes pudiquement sexy, teintés d’une ambiance noir et blanc où le bien et le mal se confondent, laissant une sensation de désordre des sentiments et d’invitation au péché. Impression de dualité confirmée par la voix qui oscille entre grave et aiguë et que l’on retrouve accompagnée sur Les sirènes par Bernie Bonvoisin et son grain rocailleux. La mauvaise fille, Les garçons, Un dernier baiser, finalement, les titres parlent d’eux-mêmes.
Mathieu Gatellier
SCARECROW
The last
(Do or Die Production)
Créer un style unique à partir de divers genres musicaux relève du défi pour de nombreux groupes actuels. Trois ans après Devil & Crossroads, Scarecrow fusionne de nouveau parfaitement le blues et le hip-hop. Accompagnés d’un bassiste et d’un batteur, deux chanteurs ont donc la lourde tâche d’emmener deux univers contraires vers une même direction. D’un côté, Antibiotik Daw propose un hip-hop francophone à travers un flow et des scratchs qui rappellent l’époque d’IAM ; d’un autre côté, Slim Paul joue de la guitare en véritable bluesman tout en usant d’un groove et d’un timbre de voix proches de Winston McAnuff. Mélangeant le son ancestral d’Amérique et la culture urbaine, le crew toulousain dévoile alors une cohérence déconcertante en plus d’une énergie singulière. À la fois sombre et addictif avec ses rythmiques lancinantes, The last détourne les codes pour mieux nous guider sur le chemin de la liberté !
Nicolas Claude
LAURENT LAMARCA
Borderlune
(French Flair)
Repéré comme bassiste chez Ycare ou Camélia Jordana, Laurent Lamarca s’est lancé depuis quelques années dans une carrière d’auteur-compositeur-interprète. Successeur de Nouvelle fraîche paru en 2013, Borderlune, son nouvel album, entre sonorités pop et ballades folk à la manière d’Archimède, s’apparente à une véritable quête de LA pop song parfaite, celle susceptible de fédérer le plus grand nombre sans user de ficelles éculées. Si l’ensemble louche parfois du côté d’XTC ou de l’Affaire Louis Trio du récemment défunt Hubert Mounier, on s’attache progressivement à ces titres faussement naïfs, ces guitares acoustiques et cette voix délicatement voilée. Du trépidant Je ne dors jamais au lancinant Main dans la main en passant par le délicat Borderlune, Lamarca a le don de faire scintiller ses chansons comme autant de petites étoiles filantes.
Alex Monville
SARAH TOUSSAINT-LÉVEILLÉ
La mort est un jardin sauvage
(Disques Orage)
À l’heure où le débat sur les quotas de chanson se ranime, où tant d’artistes français choisissent de s’exprimer (mal) en anglais, un air frais transatlantique ne cesse de nous souffler des complexes. Déjà auréolé d’un Coup de Coeur de l’Académie Charles Cros, ce nouvel album de Sarah T-L vient illustrer cet élan créatif québécois qui ne faiblit pas. Les poèmes mélancoliques qui se déroulent ici nous feraient penser à Anna Ternheim, Jesca Hoop, ou une Maissiat guitariste, cette famille superbe de femmes auteures qui laissent sans voix. La réalisation de l’album est une merveille de justesse, tout ici semble servir les mots et les mélodies, en particulier les arrangements charnels des cordes. Cette chanteuse murmure, fredonne, gronde et si quelques envolées d’accents toniques nous rappellent Klô Pelgag, sa singularité demeure incontestable. C’est sensuel, profond et ajusté. Ça taille bien.
Jean-Pierre Michy
SILVAIN VANOT
Ithaque
(3H50 / Modulor)
Ithaque est une petite île de la Mer Ionienne située à l’ouest de la Grèce. Royaume d’Ulysse, elle est le territoire où Pénélope l’attendit, en dépit des avances de multiples prétendants. Silvain Vanot est une sorte d’Ulysse d’une chanson française précieuse dont les héros mythiques se nommeraient Miossec, Dominique A ou Murat. Un homme parti en voyage et dont on serait resté sans nouvelles sept années durant, depuis Bethesda son dernier véritable album, et que l’on retrouverait avec bonheur. Parti affublé du titre de meilleur Neil Young hexagonal, il nous revient ici avec un album fabriqué maison aux sonorités acoustiques et à l’écriture habile. De la merveille de complainte d’amoureuse qu’est Le nom d’un autre (« Je l’aimais, je l’aimais, pourtant elle porte le nom d’un autre qui l’aimait moins ») au road-movie auditif de Je suis le carnet de route (« Loin du wagon de tête, avec les indécis, ça me va »), le Normand nous transporte dans son spleen délicat. Éternel outsider auquel le temps rendra grâce.
Alex Monville
CAMILLE BAZBAZ
Bazbaz café
(Verycords)
Pour son grand retour, Bazbaz, hirsute en diable et le regard coquin, nous livre une dizaine de chansons, une déclaration d’amour qui se marie volontiers avec le début des grandes chaleurs. De sa voix chaude, le dandy déroule ses mots avec nonchalance et volupté, narre ses rencards pleins de promesses, ne masquant que très peu ses intentions. Ici, point n’est besoin de sous-entendus ou des artifices de la métaphore : l’objectif est en vue, et la sensualité est de mise. Musicalement et d’un commun accord, il en est de même, que les tempi soient lourds ou envolés, le désir charnel est loin d’être sous-jacent. Synthés vintages, basse au son funky, caisse claire old school claquant comme un baiser sur une épaule nue, ou congas très présentes, les sonorités latines, funk et blues s’entrelacent, les sonorités se font soyeuses et léchées. Ses amours sont résolues ou révolues, désabusées ou résignées, mais jamais en demi-teinte. Sa vertu est la passion. Mais « attention les filles, le Bazbaz arrive en ville ».
www.facebook.com/bazbazcamille
Julian Babou
ROMAIN HUMEAU
Mousquetaire #1
(Pias)
Enfin. Onze ans après son premier album solo L’éternité de l’instant, profitant d’une pause d’Eiffel, Romain s’offre une nouvelle parenthèse en solo, ou presque car Estelle sa compagne de vie et de musique n’est jamais loin. Le son reste résolument rock, Romain Humeau ne fait aucune concession, avec des arrangements toujours très inspirés. Les textes sont toujours très énigmatiques, à fleur de peau, il nous parle d’amour surtout, même s’il rend « aveugle et sourd » et de politique (Politkovskaia, Collatéral), son côté mousquetaire est probablement là. Parfois on souhaiterait qu’il nous raconte des histoires, comme il l’avait fait sur son précédent projet Vendredi ou les limbes du Pacifique, inspiré de Michel Tournier. Le Bordelais nous mène tout de même en voyage, à Paris dans une déclaration d’amour douce amère à la ville-lumière, puis à Saragosse. Étrangement, on aime particulièrement quand il chante en anglais, offrant à sa voix une autre tessiture.
Audrey Lavallade