LA PIETÀ
Chapitres I & II
(Auto-produit)
Commençant très fort avec La moyenne, titre électro-rock résonnant comme un uppercut donné à la face du monde, la chanteuse nous montre d’emblée qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration. Au carrefour de la chanson et du hip-hop, elle tente de garder l’équilibre entre ce que la société attend d’elle et ce qu’elle est réellement. À l’instar de Saez ou Cabadzi, elle joue sur cette dualité de l’être et du paraître en s’adressant de façon directe et viscérale. Si le premier chapitre déploie une ambiance sombre, froide et métallique, le second se révèle quant à lui plus électro-pop tout en demeurant aussi hypnotique. Dissimulant son visage derrière un masque de chat, l’artiste n’hésite donc pas à sortir les griffes et à caresser la vie à rebrousse-poil. Provocante et désabusée, elle dévoile une personnalité déjà forte et attachante alors qu’elle n’est qu’au début de son histoire !
Nicolas Claude
SCOTCH ET SOFA
Ailleurs
(Telquel / Sony Music)
Ailleurs marque le grand retour de ce duo montpelliérain, avec des invités de choix. Parmi eux, Fabien Boeuf qui signe les textes de trois belles chansons de l’album : Ailleurs, qui ouvre le disque et lui donne son nom, est une évasion loin du tumulte ; Toi je t’aime pas, une histoire d’homme à femmes et son refrain électro vintage, qu’on croit tiré tout droit d’un tube des années 80 ; et Tu es le Roi, magnifique ballade guitare-voix, le tout sublimé par l’interprétation envoûtante de Chloé Monin. Ça ne m’amuse pas, est, quant à lui, un titre à ne pas écouter dans les lieux publics si vous n’assumez pas de voir gigoter involontairement vos quatre membres, aux sons des rythmes électro pop et de ses refrains entêtants. Loin des lieux communs, Ailleurs est le fruit d’une réalisation minutieuse, un équilibre parfait entre les textes d’auteurs et les compositions de Chloé et Romain. On aime.
Matthias Swierzewski
SARAH MIKOVSKI
Ressuscitée
(Neômme)
La voix de Sarah Mikovski, fraîche et émouvante, possède un charme immédiat. Vraie pianiste derrière son Pianet des années 70, elle présente un monde arlequin aux influences polycéphales et couleurs vintages. Elle attaque très fort avec Ressuscitée, un titre piano-voix touchant et vocalement exigeant, ballade soul rythmée qui la place directement entre Sandy Cossett et Pauline Croze. Pas le temps de poser ses valises, Les vacances est une claque discoïde épuisante, Ohohohoh, un reggae one drop suave et sensible, Vers le haut un rock des familles bien ficelé, mais le gros morceau sera Héroïne, un jitterbug original et super-héroïque. Tout va vite. Comme un truc punk. Les chansons ne dépassent que rarement les 2’30. C’est un power trio : guitare, clavier et batterie, sans basse. Ça court vers l’essentiel : une voix géniale, catégorie Camille, des mélodies rusées, un clavier qui groove à la Bazbaz et plein d’idées.
Jean-Pierre Michy
EMILY LOIZEAU
Mona
(Polydor)
Dans une ambiance acoustique, Emily Loizeau nous chante dans son cinquième album, l’histoire de deux destins tragiques ; celle de Mona, un bébé naissant à l’âge de soixante-treize ans et atteint de potomanie (besoin irrépressible de boire constamment) et d’un marin naufragé, seul rescapé d’une attaque pendant la guerre (hommage à son grand-père). La chanteuse aborde des thèmes tels que la maternité, la mort, la vieillesse ou encore l’univers psychiatrique. Les textes passent de l’anglais au français de façon naturelle, et nous font vivre des instants émouvants (Sombre printemps) et quelques délires musicaux (Doctor G.). Emily Loizeau nous transporte dans sa création théâtrale mélancolique et profonde dans laquelle le rire aide à surmonter la douleur et le deuil. Mona est un nouvel exemple du talent d’Emily Loizeau, apportant un peu de rêve et d’espoir dans ce monde réel et si brutal.
Franck Dufil
CLIO
Éponyme
(Ugo & Play)
Avec son air de ne pas y toucher, Clio Tourneux ose bien des choses. Elle a osé frapper à la porte de Luchini avec son titre Éric Rhomer est mort, c’était du gâteau. Il a accepté de chanter sur son disque. Elle a frappé à la porte d’Alain Cluzeau, encore une bonne pioche. L’album est frais, comme l’artiste qui est pleine de candeur enfantine. Et pourtant, si elle parle des gamins (superbe chanson Des équilibristes), elle parle aussi des garçons, avec une certaine dérision, il est vrai (Coiffeur) et puis aussi de la vie qui passe : « Je suis d’Avril / Printemps prends ton temps. » Son écriture est toujours simple et jolie. Avec son timbre charmant et ses mélodies aériennes, la chanteuse de Besançon touche. Son guitariste, Gilles Clément, lui apporte un soutien musical de poids. Étienne Champollion signe les arrangements de cordes. Voilà un disque joliment tourné, rafraîchissant et très nouvelle vague de chansons bien écrites et pas torturées.
Annie Claire
PAULINE CROZE
Bossa nova
(Un Plan Simple)
C’est avec un quatrième album plein de soleil que revient Pauline Croze, celui du Brésil : Bossa nova. Le titre n’est pas une métaphore, la jeune femme rentre vraiment de Rio. Accompagnée de figures emblématiques brésiliennes (Flavia Coelho, Vinicius Cantuari), Pauline de sa voix empreinte de tendresse et d’une sensibilité contenue reprend des chansons intemporelles, en français et en brésilien. Tu verras de Nougaro, La rue Madureira de Ferrer, Voce abusou, adapté en français par Michel Fugain (Fais comme l’oiseau) ou La fille d’Ipanema, peut-être la chanson de bossa nova la plus reprise. Si ce voyage musical lui apporte une source nouvelle d’inspiration, elle reste sur le fil, entre esprit des anciens et libre façonnage. Juste sa voix et une guitare qui swingue avec langueur. On savait déjà que chanson française et rythmes brésiliens se mariaient bien depuis Henri Salvador, mais dans cette incartade, Pauline Croze nous épate.
Audrey Lavallade
BACHIBOUSOUK
Le toit du monde
(Y’a comme un Lézard)
Toujours bien présente, l’énergie se montre plus canalisée qu’auparavant et donne au groupe picard une couleur dorénavant identifiable. Moins festif, Bachibousouk n’en est pourtant pas moins réjouissant et entraînant... Livrant ses chansons sur fond de rock et de jazz, il exprime ses désillusions et ses déceptions face au monde. S’inquiétant autant des affaires politiques françaises (Ne m’appelez plus, Crions sur leurs toits) qu’internationales (Afrique, Petit frère), les quatre artistes lancent alors un appel au réveil des consciences et de l’humanité. Les revendications sont classiques mais toujours amenées avec groove, humour ou délicatesse. Par ailleurs, la bonne humeur est souvent de mise et plusieurs morceaux nous aident à rester positifs (Les bas côtés, La poisse). Semblant s’être révélé à travers ce troisième album, Bachibousouk apparaît comme un groupe humble et sincèrement bienveillant.
Nicolas Claude
GOVRACHE
Merde chui prof !
(Auto-produit)
Après Le bleu de travail et L’homme trottoir, textes remarqués de son premier EP, le trublion de la chanson revient avec des chansons plus légères. Chantés ou parlés, les titres dépeignent des situations souvent absurdes de notre quotidien (Comme un lundi) ou des expressions au service de clichés (« le niveau c’est plus ce que c’était ! »). Du vigile à la mamie du bord de l’autoroute, des personnages atypiques ou ordinaires complètent les scènes familières et attachantes (Fauteuil à bascule). En majorité à cordes, les instruments servent le slam de Govrache avec une touche manouche qui swingue (Les soldes). En toute humilité, la reprise de Brassens (L’orage) et le dernier morceau (Ma femme), déclaration d’amour d’une délicatesse inouïe, clôturent l’album en beauté. L’homme de scène relève le défi de transmettre sa fameuse énergie scénique dans son premier album, chapeau Govrache !
Pauline Banchereau