FRANÇOIZ BREUT
Zoo
(Caramel Beurre Salé / La Baleine)
Quatre ans après La chirurgie des sentiments, Françoiz Breut nous revient avec Zoo, un sixième opus élégant et envoûtant, réalisé à Bristol par le guitariste de Portishead, Adrian Utley. Elle est une artiste qui a le goût de bien s’entourer, de Dominique A à Philippe Katerine ou Herman Düne, Françoiz Breut a longtemps mis en voix les textes des autres. Zoo est le troisième disque né de sa plume. Des chansons à la poésie suspendue où les mots sont sauvages mais se donnent à qui veut les apprivoiser. Il faut se laisser happer par ce disque aux arrangements ciselés pour puiser l’essentiel de sa substance : une richesse sans fioriture, une puissante tension rock entretenue comme un feu de braises lentes et vives. Une alchimie fertile de mots et de notes dont l’énergie magnétique s’incarne dans la retenue. Petit miracle d’une force savamment dosée, qui, sur onze titres, ne se dilue pas et ne s’évapore jamais.
Laura Marquez
KARPATT
Angora
(At(h)ome)
Quoi de mieux pour fêter l’arrivée du printemps qu’un nouvel album ? Après trois années passées à écumer les scènes du monde entier, Karpatt revient nous présenter son septième disque, Angora. Un album aux multiples couleurs, inspiré des pays traversés, sur lequel on retrouve la facétie, la tendresse et l’engagement propres au trio. Mélodies enlevées ou plus intimistes se succèdent au fil des pistes, les arrangements sont très nuancés, mettant tour à tour en avant les nombreux instruments : guitares, banjo, basse ou contrebasse, accordéon, percus… Les personnages dépeints nous font sourire (Amours d’été, Chez toi, Pupuseria ou Ecarteleur), nous émeuvent (Partage, Péniche) ou nous prêtent à réfléchir (Salvador, Un jeu, Moulinette, Encombrants). Le regard est brut, sans concession. Comme on aime. Après vingt années d’existence, la touche Karpatt est toujours bien présente !
www.karpattmusic.wix.com/karpatt
Sandrine Palinckx
IMBERT IMBERT
Viande d’amour
(Hors Note / Le Temps des Assassins)
C’est en duo avec sa contrebasse que nous avons découvert l’artiste qui, à l’ombre des médias, sème ses chansons poétiques et crues depuis maintenant dix ans. Chaque album est, avec Imbert Imbert, une nouvelle expérience sonore. Il ne déroge donc pas à la règle en invitant autour de lui Denis Charolles, Grégoire Gensse et Stephen Harrisson, musiciens qui ont accompagné entre autres Loïc Lantoine ou Sarah Olivier. Un quatuor pour le moins détonant qui ne s’interdit pas des airs joyeux sur les textes souvent sombres de Matthias (Je bois). Des instrumentations intenses nous baladant entre mille émotions, des rires (jaunes) aux frissons. L’amour, la mort (La mort n’est qu’une crotte), la société vue par un anar (Le cancer des gens soumis), l’humain, à travers le magnifique La Vie mord, restent les thèmes de prédilection de ce poète se jouant aussi bien des mots que des conventions.
Stéphanie Berrebi
LA RUDA
Souviens-toi 2012
(Cristal Records)
Nostalgie, quand tu nous tiens… Après s’être fait attendre quatre ans, le dernier live de l’emblématique formation ska-rock est enfin disponible. Enregistré à domicile, au Chabada, ce dernier concert faisait en effet office d’adieu. Emmenée par Pierre Lebas, La Ruda livre une belle rétrospective de ses vingt années de scène : on replonge alors en arrière avec grand plaisir au détour des anciens morceaux (Que le bon l’emporte, Unis) et des incontournables (Le bruit du bang, L’instinct du meilleur). En alternance, les chansons plus récentes comme 1982, Cabaret Voltage ou encore Padam Elvis nous montrent à quel point La Ruda n’a jamais fléchi durant toute sa carrière. Au chant comme aux instruments, l’énergie est détonante et chaque musicien s’octroie ses propres moments de plaisir, histoire de tout donner une dernière fois… Une chose est sûre : La Ruda aura marqué son époque !
www.facebook.com/laruda.officielle
Nicolas Claude
BENJAMIN PAULIN
Meilleur espoir masculin
(PPP / Idol)
Autant l’avouer tout de go, je nourris une grande affection pour le travail de Benjamin Paulin. Depuis l’époque - lointaine - du groupe Puzzle jusqu’à ce troisième album solo, le fils du designer bien connu, Pierre Paulin, creuse un singulier sillon sur les bordures de la scène francophone. Nourri au rap comme ses confrères Ben Mazué ou Fred Metayer, notre Meilleur espoir masculin se singularise par sa plume acerbe, cultivant humour et cynisme tel un Dutronc (père !) contemporain. Toute la force de cet album réside dans sa capacité de magnifier la voix ample et grave par des arrangements luxuriants - les claviers, cordes et autres cuivres de synthèse - sans que jamais nous ne perdions le fil des récits. Un exercice de funambule qui nous permet de profiter d’ébouriffantes punchlines comme « Qui voudrait une déclaration d’amour avec un détecteur de mensonge ? » sur le superbe Merci mais non merci. Si Biolay avait écouté Cypress Hill, il s’appellerait Benjamin Paulin.
www.meilleurespoirmasculin.com
Alex Monville
GRISE CORNAC
L’être à la nuit
(Rock With You)
Avant Grise Cornac, il y a eu Swing Sofa, un trio angevin. Aujourd’hui, après un premier EP Petit à petit en 2014, le duo se reforme pour créer ces onze titres, empreints d’une poésie toute particulière, celle qui naît quand les mots de Grise (Aurélie Breton) et les notes de Cornac (Quentin Chevrier) se rencontrent. Une forte personnalité, brossée par le piano et le violoncelle et balayée par des thèmes universels - la vie, l’amour, les chagrins - se dégage de cet album. L’intime est sur le fil et on se perd dans les méandres des mélodies de cet Être à la nuit, de la douce Danse aux rythmes de Ces animaux-là, en passant par la planante Heure bleue. Enregistré dans le studio de Lo’Jo, il n’est pas étonnant de trouver la voix - et un morceau de leur univers - de Denis Péan et Nadia Nid El Mourid dans Le peuple du vent. Grise Cornac nous offre un album habité qui résonne fort.
Audrey Lavallade
YANOWSKI
La passe interdite
(Arties Record)
Il y a ceux qui ont vu Yanowski sur scène, et puis il y a les autres. Cet artiste possède la faculté rare de vous arracher totalement à la réalité pour vous entraîner dans son antre. Un cabaret tzigane sulfureux hanté de mélopées romantiques d’où l’on sort éreinté par la frénésie d’envolées yiddishs et de vertiges slaves, l’âme ambrée des brûlures du tango. Bien sûr, on le compare à Brel, car ils sont peu à maîtriser cet art délicat de l’incarnation, mais sa singularité se révèle dans une puissante inspiration expressionniste et cette façon, assez taboue aujourd’hui, d’évoquer les ressorts les plus extrêmes de la passion. Ce disque accomplit le miracle circassien de capturer les mirages et la magie, l’énergie surnaturelle de la performance. Une prouesse qui permet d’apprécier la qualité d’une écriture profonde, poétique et crue, la transe d’un piano hypnotique et d’un violon écorché, et cette voix, inimitable, unique.
Jean-Pierre Michy
BAPTISTE DUPRÉ
Que le vent vienne
(Auto-produit)
Baptiste Dupré est un jeune auteurcompositeur qui signe avec Que le vent vienne son deuxième album. Les mélodies tout en douceur, avec les envolées aériennes des instruments, dévoilent un univers folk acoustique très épuré. Mais en apparence uniquement, car bourré de subtilités quand on prend le temps d’écouter et ponctué de séquences plus énergiques avec des pointes de jazz ou de blues (Grand-père, Mes yeux, Liberté). L’ensemble, agrémenté de textes empreints de poésie et d’humanité, laisse planer un sentiment d’apaisement et on se laisse facilement prendre au jeu. Un peu comme si l’on changeait d’époque pour se retrouver dans un autre temps, au charme désuet. Les mots sont simples, prêtent à sourire, interpellent ou touchent là où ça peut faire mal, avec une simplicité désarmante : Les amants viennent, Le doute... Baptiste Dupré se laisse porter, au gré des vents, laissant libre cours à son inspiration, et ça fonctionne !
www.facebook.com/baptiste.dupre.officiel
Sandrine Palinckx