FACE À LA MER
Réveillez-moi
(Ukunéné)
Avec un son et une identité plus affirmés, les cinq femmes mêlent aujourd’hui la chanson-rock aux sonorités électro-pop. Désormais seule au chant, Carole Pellmont dresse le spectre des sentiments qu’on peut ressentir au détour des relations humaines. L’amour, la jalousie, l’abandon, l’espoir ou la rage se croisent ainsi au coeur de ce disque foncièrement sincère et organique. Par ailleurs, certains thèmes universels font également preuve d’empathie en évoquant des sujets de société comme la violence conjugale (Il te catche) ou le don d’organes (Organe de toi). Si la première moitié de l’album se veut très rock, la seconde joue énormément sur des atmosphères qui peuvent se révéler douces (Kimono), planantes (Un idéal) ou angoissantes (Faits divers). Soufflant un réel vent de liberté sur son passage, le groupe ne cesse de se réinventer tout en conservant son authenticité originelle.
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Nicolas Claude
BENOIT DORÉMUS
En Tachycardie
(Deja / BMG)
Il y a des artistes qui savent se faire attendre. Et quand on écoute le dernier album de Benoît Dorémus, on se surprend à sourire. Dès la première chanson, accompagnée de quelques arpèges de guitare, on retrouve cette verve qui lui sied si bien et qui transforme un mec bourré en grand romantique. Il n’y a aussi que lui pour se permettre de profaner la mémoire du grand Georges dans Brassens en pleine poire avec autant de classe, ou d’écrire une ode géniale à la littérature sur le trône, dans Lire aux chiottes. Une chanson qui parlera aux éternels amoureux transis, La femme de ma vie nous liste ces rencontres fortuites et fugaces, qui nous transpercent le coeur de l’éternel regret. 20 milligrammes est le titre qui reflète le mieux le nom de l’album, un flow rapide sur une panique aux anxiolytiques. Souvent tendre, parfois drôle, En Tachychardie est un livre ouvert d’histoires, de sentiments, un régal de chanson.
Matthias Swierzewski
SOFIAN MUSTANG
Back to nowhere
(Milk Music)
Ce troisième album, Back to nowhere, est une belle évolution artistique pour le groupe. Résultat de savants mélanges de sonorités mexicaines, country, rock, chanson française, c’est en particulier grâce aux arrangements de cuivres feutrés d’acoustique que Sofian Mustang arrive à embarquer l’auditeur vers des contrées lointaines. Les ambiances des douze morceaux qui composent l’album font mouche. Le wagon foudre est un bon exemple de la maîtrise du groupe bordelais pour conduire ses morceaux dans des sonorités d’ailleurs. Neige, ballade lancinante, se distingue par ses belles harmonies vocales, tandis que des titres comme Les arcs électriques sont beaucoup plus fidèles aux canons de la chanson française. Chanté en français et en anglais, le résultat est homogène et cohérent, et plaira sans aucun doute aux amateurs de sonorités exotiques. L’album prédit une bonne expérience live, pleine d’énergie et de dynamique.
Alexandre Leplé
SANGUE
À vendre
(Phoneklang)
Totalement atypique, cet homme semble arriver de nulle part afin de nous offrir des expériences sonores inédites. Entre le chanté et le parlé, Sangue nous conduit dans un univers bien étrange. Simultanément aux machines, à l’accordéon ou encore à la basse, il se montre imprévisible mais curieusement structuré dans le temps. Le climat se veut obscur, les rythmes sont souvent saccadés et robotiques et l’artiste mélange des sons hypnotiques avec des ambiances plus ardentes. L’humeur n’est jamais constante et c’est ainsi que l’artiste propose sa vision de la chanson française. Entre modernisme et artisanat, il crée sans cesse et paraît même parfois se réinventer lui-même au fil des chansons. Tellement décalé, il en perd parfois en accessibilité : et si son objectif était justement de laisser son auditeur s’égarer ? Quel que soit son but, Sangue apparaît comme une vraie curiosité qu’il faut découvrir.
Nicolas Claude
ERWAN PINARD
Obsolescence programmée
(Samedi 14)
Obsolescence programmée est le troisième album d’Erwan Pinard. Un album résolument sombre, comme le laisse entendre son titre. Erwan Pinard y dépeint l’amour fini, celui qui plonge l’individu dans les méandres du questionnement, de la remise en cause de ses actes et pensées. Les textes sont tendus, sombres tout en laissant une large place à l’ironie et l’impertinence. La mise en musique de cette lecture acerbe des sentiments est très nuancée : guitares, basse, batterie, claviers, cordes, clarinette ou cuivres délivrent des phrasés très efficaces. Belles montées en puissance ou écrins de douceur, le jeu instrumental est mis en valeur tout au long de l’album : Pénurie, Qu’as-tu été capable de faire par amour ?, Tranquille, Fleur d’oranger... Des textes forts, des mélodies très structurées qui accrochent l’oreille et un message fort pour qui sait lire entre les lignes : sachons profiter des bons moments car toute chose a une fin.
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Sandrine Palinckx
CLARIKA
De quoi faire battre mon coeur
(At(h)ome)
Comment expliquer qu’une telle artiste ne soit pas (encore ?) l’égale des Souchon, Cabrel et autres Renaud dans le Panthéon de la chanson ? Depuis son premier album en 93 jusqu’à celui-ci, sept albums remarquables se sont succédé dans une quasi indifférence. Alors, puissent les pouvoirs supposés du chiffre magique couronner enfin le talent de Clarika. Car, à l’habituelle qualité des compositions, des arrangements et des textes s’ajoute une troublante force émotionnelle. Est-ce la rupture avec son traditionnel arrangeur (et compagnon) J.-J. Nyssen, l’influence des invités (Maison Tellier, Alexis HK) ou l’entrée dans la cinquantaine ? Peu importe. En équilibre entre chanson populaire et pop exigeante, chaque titre est un moment de grâce. Si tous méritent d’être mis en exergue, on retiendra les bouleversants - et autobiographiques ? - La vie sans toi, Il s’en est fallu de peu ou encore l’impeccable single Je ne te dirai pas. Bravo Madame.
Alex Monville
LES YEUX D’LA TÊTE
Liberté chérie
(Fais & Rie / L’Autre Distribution)
Voilà près de dix ans que Les Yeux d’la Tête nous font danser au son de leurs rythmes endiablés. Liberté chérie est le troisième opus des Parisiens qui se placent aujourd’hui en tête de file de la scène festive française. Ces amoureux de la vie nous servent seize titres débordant d’énergie, qu’on nous emmène dans les rythmes des Balkans (Balkans boogie ou l’instrumental Kezta) ou sur des airs plus électro-swing (I don’t speak english). Un album qui, comme ses prédécesseurs, est taillé pour la scène, avec des sujets légers sur, par exemple, une vie nocturne agitée (Peau rouge, Tout ça c’est d’ta faute, Les amants de ma femme) et des refrains qu’on s’imagine déjà reprendre en cœur (Paris en vélo). On apprécie toujours aussi cette petite part de réflexion, sous-entendue par le titre de l’album et la chanson éponyme, mais aussi des titres tels que J’crois plus en l’homme, ou Sois belle et tais-toi, chanson féministe. Un album jubilatoire !
Stéphanie Berrebi
JEHAN & LIONEL SUAREZ
Leprest - Pacifiste inconnu
(La Familia)
La rencontre entre deux géants, Jehan, interprète magistral et définitif, l’un des héraults de la chanson française actuelle, dans une époque où on ne sait plus à quel saint se vouer, et Lionel Suarez, accordéoniste aveyronnais monté à la capitale pour y conquérir les aventures musicales, est un enchantement pour les oreilles. Ici, le duo ne se contente pas de revisiter les textes d’un Allain Leprest devenu illustre après nous avoir quittés, mais nous offre un tour de chant inspiré et virevoltant où la voix de Jehan, puissante et chaleureuse rencontre le piano à bretelles virevoltant de Suarez. Tout en images sont narrées des tranches de vie, d’Histoire. Les lendemains d’une rupture, la guerre ou l’enfance, ce Dieu incompétent dans Je ne te salue pas, et ces destins sombrés dans l’anonymat au lieu de s’élever au génie dans C’est peut-être. L’écriture de Leprest, réaliste et tout en volutes, se voit consacrée, perpétuée même, par cette rencontre.
Julian Babou