Les 8 indispensables du FrancoFans 56
ÉVASION
Les hormones Simone
(Vocal 26)
Nous avons déjà dit dans ces pages tout notre amour pour les filles d’Évasion, groupe vocal au répertoire métissé et engagé, aux harmonies aériennes rodées par plus de vingt ans d’activité. Après leur passage auprès de Michèle Bernard, pas de surprise à l’annonce d’un disque « sur le répertoire d’Anne Sylvestre », mais quelle impatience à l’idée de le découvrir ! Il y a des albums qui s’apprivoisent et s’apprécient au fil des écoutes. Ici la gourmandise était grande, le plaisir de la dégustation fut immédiat. Les arrangements, toujours superbes, viennent offrir à ces chansons une ouverture harmonique aux couleurs délicates et inattendues. La fraîcheur, la volonté et l’énergie déployées sur ce disque n’égalent que la justesse des interprétations. Le choix des chansons est parfait. C’est émouvant, subtil, drôle, grinçant, tendre, intelligent. Enfin c’est beau. C’est totalement Anne Sylvestre.
Jean-Pierre Michy
LES CROQUANTS
Éponyme
(Label Tour / Musicast)
Voilà maintenant plus de dix ans qu’ils n’avaient pas reprisé de nouvelles anciennes chansons ! On commençait à s’impatienter, malgré un vinyle pour leurs dix ans et un live en 2014. Au menu de ce troisième opus, toujours les plus grands : Brel, Gainsbourg, Aznavour, Moustaki ou Perret, avec des pépites inconnues, sauf sûrement Les croquants de Brassens, le retour à la source. Parmi les illustres s’intercalent quelques surprises comme Qu’est-ce que tu crois ? de Robert Lamoureux, plus connu pour ses talents d’acteur ou La dèche de Ricet Barrier. Les Croquants prennent toujours un malin plaisir à déterrer des morceaux oubliés, à les rhabiller de leur guitare, banjo et accordéon et leur donner une nouvelle vie où on s’apercevra que les mots du siècle dernier n’ont pas pris une ride. Danito et Mr Kif, non plus, n’ont pas vieilli, c’est avec la même énergie communicative qu’ils s’attaquent à ces quinze nouveaux titres.
Audrey Lavallade
ALMA FORRER
Ne dis rien
(Auto-produit)
Un an après un premier EP éponyme, cette jeune et talentueuse Parisienne revient nous enchanter avec un nouveau disque. Auteure, compositrice et interprète, elle nous propose ainsi six nouvelles ballades naviguant entre chanson et folk. Gracieuse, fragile et aérienne, sa voix nous guide spontanément à travers un road-movie au coeur des grands espaces américains. Dans une atmosphère à la fois planante et apaisante, Alma Forrer nous rappelle des chanteuses de différentes générations : de Joan Baez à Claire Denamur, elle fait alors corps avec sa guitare pour mieux nous confier ses émotions personnelles. Faisant preuve d’une belle maturité dans ses textes, elle chante alors sa conception de la vie et de l’amour avec autant de passion que d’innocence. Malgré son titre, cet EP nous en dit suffisamment pour cerner l’univers poétique de cette artiste prometteuse âgée de vingt-deux ans seulement.
Nicolas Claude
ARNAUD CANCE
Saique... Benlèu !
(Brennus Music)
Étrange album que celui-là, fruit d’un esprit libre faisant fi des cases et des étiquettes. On y trouve des chansons en occitan et d’autres en français, des airs traditionnels et des créations originales, de l’accordéon et des boucles électroniques... Si le premier titre est une petite ritournelle folk sans prétention, La mazurka del veuse qui suit est un velours brillanté par le duo Roche-Breugnot. Dejol pont de lion est un air traditionnel musclé à la guitare électrique et à la rythmique de synthèse, mais on se demande pourtant, à l’écoute des choeurs mystiques de l’Uèlh blu, si on ne s’est pas égaré chez Jordi Savall. Faire le mort, de Thomas Février et Jérémie Kisling sur le parachutiste de Sainte-Mère-Eglise est envoûtante, la visite du groupe Tres a Cantar est magique. Arnaud Cance est un chanteur touchant au talent certain, qu’il ne faudrait pas, dans la hâte, coincer dans la seule sphère des musiques régionales.
Jean-Pierre Michy
ANASTASIA
Aqua toffana
(#14 Records / Musicast)
Une main de fer dans un gant de velours... Anastasia ou comment des allures douces, sensiblement fragiles cachent un caractère profondément affirmé. Des contrastes subtils, entre une voix grave au grain blues, soul et des mélodies légèrement folk, sont portés par des nuances justes. Si elle est chaleureuse, l’atmosphère n’en est pas moins mystérieuse sur certains titres (Aqua toffana). Souvent amers, les textes reflètent l’inspiration de la chanteuse, bercée au hip-hop et enfantée à la chanson. Parfois parlés (Chasse à l’homme) ou épurés (On s’évapore), les morceaux accordent naturellement nonchalance et exigence. Remarquée aux Francofolies en 2013, la jeune Mulhousienne a su s’entourer. Batlik et Alexis HK ont, entre autres, contribué à son deuxième album. Offrant un univers coloré, feutré, l’objet sera le bienvenu cet hiver et vous remémorera que les roses ont des épines !
www.facebook.com/anastasiamusicofficiel
Pauline Banchereau
GUILLAUME ET JOHAN LEDOUX
Balthazar Tête de Bois
(Cherche Midi)
Dès les premières minutes de sa naissance, Balthazar se rend compte qu’il a un don. Il sait si les gens disent la vérité. Le doute et la curiosité l’habitent : les gens mentent aux autres et à eux-mêmes ? Une quête spirituelle, dès que l’adolescence pointe le bout de son nez, s’impose et l’envoie sur la route. Ce n’est pas son instituteur plein de regrets qui peut lui apprendre la vie... Balthazar rencontre ainsi des personnages extravagants, à la marge de la société, et se rend compte que la sagesse n’est pas dans le camp que l’on croit... Pierre Perret, Alex Lutz, Michel Fugain, Elodie Frégé, Fersen, Cali et d’autres se fondent à merveille dans le costume des personnages de ce conte musical des frères Ledoux, de Blankass. Accompagnés par des musiques pop rock, les dessins clairs-obscurs de Lydie Baron apportent du corps à cette histoire pleine de rêve, de liberté et mine de rien, très rock’n’roll dans l’âme.
www.facebook.com/balthazartetedebois
Benjamin Valentie
RENÉ LACAILLE
Gatir
(Do Bwa / L’Autre Distribution)
Jeune lauréat de l’Académie Charles Cros, René Lacaille revient avec une nouvelle création qui a de quoi surprendre. Dans Gatir, il sort des sentiers de la musique traditionnelle réunionnaise, et arpente les chemins de traverse, laissant libre cours à son inspiration et à ses influences multiples, glanées au cours du demi-siècle qu’il a traversé tantôt en tant que leader ou comme sideman (J.Higelin, Lo’Jo, Fantazio). Il concède la plume à ses enfants Oriane et Marc (Kabaré kréol, Kayemb, Groix, Je suis un livre ouvert) qui, perpétuant la tradition, volent désormais de leurs propres ailes mais continuent à accompagner papa sur scène. René se paie même le luxe de reléguer au second plan l’instrument qui l’a rendu illustre, et revient à ses premières amours : la guitare. Mais qu’on ne s’y trompe pas, René en fut un des meilleurs représentants à La Réunion, notamment aux cotés d’un certain Alain Peters, et se révèle un aussi incroyable virtuose qu’au piano à bretelles.
Julian Babou
ALEXIS HK
Georges et moi
(La Familia)
De nombreux artistes ont repris des chansons de Brassens avec plus ou moins de bonheur. Depuis le mois de février, c’est au tour d’Alexis HK d’en proposer ses versions sur scène dans un spectacle éblouissant. Aujourd’hui, six titres sont enfin disponibles sur un vinyle à la fin des concerts et en téléchargement. Dès l’écoute de cette galette, on se rend compte que ce n’est pas Alexis qui est rentré dans la peau de Georges pour interpréter ses chansons mais l’âme de Georges qui s’est emparée d’Alexis. Le résultat est saisissant et c’est bien le Brassens du vingt-et-unième siècle qu’on a en face de soi. Il y chante des titres très connus comme Heureux qui comme Ulysse et Le pornographe dont il actualise quelques paroles avec malice (« J’suis l’pornographe du phonographe » devient « J’suis la pornstar du MP3 » par exemple). On y retrouve aussi des titres plus rares comme L’assassinat ou Le roi boiteux. Un délice bien trop court.
Christian Chagot