ELIE GUILLOU
Chanteur public
(Hé Ouais Mec Productions)
Qui ne s’est jamais dit, à l’écoute d’une chanson, qu’elle avait dû être faite pour lui ? Elie Guillou propose à ses « clients » l’écriture et la composition de chansons au service de leurs émotions. Il crée pour eux un écrin tapissé de décors maritimes, champêtres. Eux, lui confient leurs histoires. Ce disque réunit dix de ces chansons, en carte de visite pour son métier de chanteur public. On y retrouve un héritage de chansonniers. On pense aux voix de Gérard Manset (ici sur des orchestrations plus légères), d’Yves Simon. Il y a des bois (clarinette, cor de basset) comme chez Félix Leclerc. Dans Mon homme et C’est vers moi que tu viens notamment, on pense à Graeme Allwright. Par principe, les chansons s’adressent à une personne et le style est plutôt poétique, mais on parvient tout de même à se souvenir d’une balade dans la « forêt de Fontainebleau » ou en « Bretagne en hiver » et à apprécier le travail de l’artisan-artiste.
Hélène Lachambre
LES 3 FROMAGES
Matures et découvertes
(Auto-produit / Coop Breizh)
Revoilà nos compères bretons de retour avec un troisième album qui les emmène dans une autre dimension. Autant le dire tout de suite, le groupe se lâche et s’autorise presque tout : parodies, jeux de mots et situations des plus facétieuses (La base virale, Niravanoir)... L’humour est omniprésent et les thèmes aussi efficaces que débridés. On passe du téléchargement illégal (La galère d’un pirate) à une chanson qui spoile de nombreux films (Et à la fin), le tout agrémenté d’un son pop-rock terriblement entêtant. Les deux duos avec Manu d’Elmer Food Beat (Allons chez toi) et Paul et Yves des Fatals Picards (BB Rockers), font office de passage de relais annonçant la relève du rock français. Au final, le groupe livre ici un album qui s’écoute d’une traite avec complaisance et qui semble traduire au mieux l’énergie folle qui habite les membres du groupe.
Quentin Hingrand
TOURNÉE GÉNÉRALE
10 ans et toutes nos dents !
(Auto-produit)
Dix années passées à écumer les salles de France, à faire vibrer les coeurs. Dix années à se surpasser, à grandir, à essayer d’éveiller les consciences. Dix années de générosité, d’amour, d’humanité et de partage. Ainsi se résume le parcours des Lorrains de Tournée Générale qui, afin de fêter leur anniversaire, sortent un album live intitulé, je vous le donne en mille, 10 ans et toutes nos dents ! Un album enregistré à Épinal et qui offre une rétrospective des grands classiques du groupe, parmi lesquels Demain c’est quand ?, Avancer mes grolles, ou encore Vous êtes mignons... Le groupe rend également hommage aux artistes qui les ont bercés en reprenant Les 400 coups de Ferré et Rouge-gorge de Renaud. En cadeau, un titre inédit, Pause, qui laisse envisager une suite prometteuse. Une chose est évidente : le groupe a su garder intacte cette énergie communicative qu’il a en lui, celle qui fait qu’on a hâte d’entendre la suite !
Sandrine Palinckx
ESKELINA
Le matin du pélican
(L’Atelier du Pélican)
Grande chance pour Eskelina d’avoir croisé la route de Florent Vintrigner et de Christophe Bastien. L’album qu’ils nous ont concocté à eux trois est un petit bijou de fraîcheur poétique. La jeune et douce Eskelina, pas si réservée qu’on aurait pu le croire en regardant la pochette, pose sa voix et sa vie sur les mots de Florent Vintrigner (La Rue Kétanou) dont on apprécie par ailleurs l’écriture riche et efficace. Elle y ajoute une diction parfaite colorée de son petit accent suédois délicat. Le tout pour nous faire entrer dans son intimité, sans pudeur, mais avec poésie et une musique extraordinairement mélodieuse et cadencée, signée Christophe Bastien (Debout sur le Zinc), presque autant de titres que de tubes (Émilie, Je reviens, L’amoureuse). Notons le titre Désordre qui est un hommage à Miss.Tic dont il reprend un thème favori. Album très féminin au final, plein de gaieté musicale.
Annie Claire
LES DIÈSES
Croquer le monde
(Cristal Records)
Avec leur sixième album, les Poitevins nous invitent à Croquer le monde. Eux le font à pleines dents et nous le font ressentir au travers de treize titres très inspirés. En fervents défenseurs de la musique, ils puisent leur inspiration au fil de leurs rencontres et voyages. Airs celtes ou balkaniques, trad’ québécois…, on trouve une multitude de sonorités mises en valeur par un jeu instrumental affiné. Les mélodies sont belles, enlevées, même si elles laissent parfois la place à des moments plus intimistes. À l’image du monde et des hommes qui le peuplent. Le regard se veut optimiste quant à l’humain, nous rappelant que c’est notre diversité qui fait notre richesse et qu’il faut savoir profiter de la vie : Marée humaine, Tit’ valse lente… Il sait aussi se faire plus grave quand il évoque un désastre écologique engendré par l’homme dans La rivière blanche. Mais c’est cependant l’énergie festive qui domine et cela mérite le détour.
Sandrine Palinckx
RILO JOSA
Aime-moi
(Label Pan!)
Composé de deux filles et de deux garçons, Rilo Josa est un groupe grenoblois singulier et novateur. À la limite du punk-rock, de l’électro et du cabaret déjanté, le quatuor plonge l’auditeur dans un univers à la fois dansant et inquiétant. Si on peut leur coller l’étiquette de B-52’s à la française, le groupe offre des chansons (d)étonnantes : plusieurs ambiances s’y alternent, les montées électro et des claviers accélèrent le tempo et les choeurs masculins ou féminins sont utilisés à bon escient. Notons les chansons Rue du calvaire, Fuck U shima ou Le bal des baltringues, véritables ovnis surréalistes. Le titre éponyme, un des rares qui dépasse les trois minutes trente, est un bon aperçu de l’univers de Rilo Josa. Si les voix féminines qui amènent un peu plus de folie nous séduisent davantage, difficile de trouver des défauts à ce disque, véritable dancefloor punk dans lequel l’influence des arts de rue (cirque, comédie) a donné un grain de folie bienfaiteur.
Benjamin Valentie
PIERRE LAPOINTE
Paris tristesse
(Audiogram)
Paris tristesse est le deuxième album pianovoix que signe Pierre Lapointe, faisant écho au premier Pierre Lapointe seul au piano, réalisé trois ans plus tôt. Notre chanteur populaire québecois préféré est tombé en amour de Paris, à tel point qu’il y enregistre même ce nouvel album pour une sortie française avant d’être québecoise. Un Paris tristesse ou Paris mélancolique qui reflète les tons parfois sombres des textes, mais ô combien peaufinés et émouvants. La puissance des mélodies et la voix chaleureuse du chanteur s’immiscent inévitablement en nous, dès la première écoute. Pierre Lapointe puise dans sa discographie depuis ses débuts, il y a dix ans, mais offre aussi un nouveau titre La plus belle des maisons et trois émouvantes reprises des plus grands de la chanson que sont Azvnavour, Barbara et Ferré. Il fallait tout le talent d’un grand artiste pour être capable de s’approprier ces perles musicales à nous en donner des frissons.
Laure Boulaud
H-F THIÉFAINE
La stratégie de l’inespoir
(Columbia)
Qu’attend-on d’un dixseptième album ? Qu’espère-t-on d’un des derniers punks de la chanson française ? La stratégie consiste à l’aborder comme une première oeuvre, comme si La fille du coupeur de joints et les milliers de chansons composées à vif n’avaient jamais existé. L’oreille vierge. Verdict : HFT cru 2014 ne déroutera certes pas les fans, chérissant sa poésie et son rock. Reconnaissons-lui une voix honnête et conquérante, une littérature et une langue bien au-dessus de la mêlée. Admettons une production capable d’irradier des Zéniths. Et pourtant, La stratégie de l’inespoir passe devant nous comme un train ne s’arrêtant pas à notre gare, comme un bref et agréable moment qui effleure sans écorcher. Alors, non, ce dernier jet ne sera probablement pas la secousse de l’automne. Qu’importe, car ce n’est d’ailleurs probablement pas l’effet recherché par son géniteur, habitué à l’ombre où aiment aller s’y réfugier ses fidèles depuis quatre décennies, intolérant aux rayons de la facilité.
Arnold Faivre