FREDDA
Le chant des murmures
(Traffix Music / L’Autre Distribution)
Cette auteure compositrice et interprète demeure discrète mais son quatrième album témoigne encore d’un talent immuable. Mélangeant la chanson française et la musique folk, Fredda s’est une fois de plus autant investie dans les mélodies que dans l’écriture des textes. Si Le chant des murmures parait minimaliste au premier abord, une écoute plus approfondie révèle effectivement de nombreuses subtilités dans la réalisation et les arrangements. Féminine et sensuelle, la voix habitée de l’artiste apporte charme et légèreté mais évite toujours la facilité : en évoquant l’amour et la relation de couple, Fredda chante la vie avec ses bons moments comme ses malheureux instants de solitude ou de détresse. À la fois moderne et rétro, ce disque séduira autant les fans de Pauline Croze (Pendant que je me parle) et Claire Denamur (L’amour antique) que les nostalgiques des premières années de Françoise Hardy.
Nicolas Claude
COURIR LES RUES
Manuel du faire semblant
(Musicast)
Réalisé par Robin Leduc, ce nouvel opus, intitulé Manuel du faire semblant, marque un tournant dans le parcours musical du groupe. De nouvelles sonorités émergent avec l’adjonction d’instruments électriques (basse, guitare, claviers) ce qui donne un album très nuancé, avec des rythmiques davantage travaillées et des arrangements aux couleurs multiples qui révèlent une nouvelle facette des cinq musiciens. Quant à la thématique, tout est dans le titre. Maxime explore la vie en société et nous livre un condensé des comportements humains : faux-semblants, apparences, tromperie, envers soi-même ou les autres, toute cette façade qui fait qu’on en oublie souvent d’être soi-même. C’est tendre, drôle, parfois grinçant, mais ça percute. Pour clore l’album, le quintet revisite un de ses titres, La ritournelle, et nous en propose une nouvelle version bien sympa. Bref, un souffle nouveau anime aujourd’hui le groupe. Et c’est bon à entendre.
Sandrine Palinckx
ZEBDA
Comme des cherokees
(Barclay)
Enregistré entre Toulouse et Carpentras, ce sixième album rime comme à l’habitude avec groove et énergie communicative mais avec une réelle valeur ajoutée : un son rock aux accents funk. Cette influence n’est pas étrangère à la collaboration avec Yarol Poupaud, guitariste de FFF, en tant que réalisateur de l’album. La belle réussite de cet opus est sans conteste le premier single, Les petits pas, véritable flashback sur la jeunesse « funky » du groupe à Toulouse. Ce son rock-funk mêlé au son typique de Zebda donne de l’explosivité aux morceaux. Exemple flagrant sur le dernier titre Les morfales, condensé d’énergie musicale ou sur les riffs puissants d’Essai. La gouaille à la couleur méditerranéenne et la plume de Magyd Cherfi séduisent toujours autant. Parmi les sujets abordés citons l’uniformisation de la langue et de la société (L’accent tué), les marchands de sommeil et les discriminations raciales (Fatou) ou le témoignage des anciens avec Les Chibanis.
Céline Moineau
MAC ABBÉ ET LE ZOMBI ORCHESTRA
M.A.Z.O
(Carotte Productions)
Sacrilège, Mac Abbé et le Zombi Orchestra, ce groupe déjanté à souhait, continue à prêcher la bonne parole dans ce second album. Oui mais voilà, pas de sentiments chez les zombies. Ici on n’hésite pas à balancer des Mots dégueux bien sentis, qui piquent et réveillent les morts de notre société lobotomisée. Le groupe développe un imaginaire tiré des maux de notre quotidien, décortiqués avec justesse sur un air de swing’n’roll teinté de jazz. Sur ces quatorze titres hautement méphistophéliques, on assiste au retour du cynisme dans toute sa splendeur, où se mêle une galerie de personnages tous plus infâmes les uns que les autres : cons, radins, vendeurs de drogue... Qu’importe le sujet, ces zombies savent nous faire rire et danser. Surprise : ils réinventent le concept du CD en proposant un album-livret de soixante-huit pages truffées d’humour et d’idées désopilantes. Une réussite diabolique.
Quentin Hingrand
LOFOFORA
L’épreuve du contraire
(At(h)ome)
Les raisons de la colère sont toujours nombreuses. Aucune raison, donc, pour Reuno et sa bande de ranger leur langue dans leur poche et les grattes au placard après vingt-cinq ans d’existence. Ces pionniers du métal-fusion français présentent leur huitième album studio, dans la lignée des précédents : riffs de guitares heavy, basses groovy et rythmes acérés, portés par la révolte sincère, intelligente et intelligible de Reuno. Les références au sexe servent à parler de gouvernances malsaines, qu’on parle des politiques (Pornolitique) ou des religieux dans Karmasutra, tout en livrant une critique acerbe contre les gourous qui ruinent les fidèles de toutes religions. C’est non sans humour que le groupe assume de ne pas avoir changé depuis tout ce temps, à travers le Double A, d’adolescent attardé. Textes personnels d’une vision du monde qui donnent matière à réflexion, L’épreuve du contraire, est, comme ses prédécesseurs, un excellent exutoire.
Stéphanie Berrebi
JABUL GORBA
Un diable au paradis
(Gout’Zy)
Quatre ans après La décadence, le groupe n’a rien perdu de son identité sonore et parvient même à renouveler son style gipsy-punk. Fidèle à lui-même, Jabul Gorba ne laisse aucune seconde de répit au cours de ce sixième album encore plus riche musicalement que ses prédécesseurs. Associant la chanson au rock et le ska à la musique des Balkans, il livre une musique des plus festives et détonantes. À travers le chant rauque et si particulier de Dadane, Un diable au paradis mélange le bien et le mal avec une énergie aussi joyeuse et spontanée que démoniaque. L’esprit demeure perpétuellement punk, libertaire et anarchique et pourtant, il se dégage une fragilité et une sensibilité difficiles à expliquer mais bien présentes. Taillé pour le live depuis une quinzaine d’années, Jabul Gorba est aussi chevronné pour embraser les scènes françaises que pour faire trembler les murs d’une cave enfumée de Varsovie.
Nicolas Claude
ARTHUR H
Soleil dedans
(Polydor)
Adieu tristesse, feu machines et ornements, dehors la nuit et la caverne, le H le plus courtisé et insolite de la chanson revient, plus pop (Navigateur solitaire), moins groovy et plus léger (L’autre côté de la Lune). À cette dernière et superbe ballade d’ouverture, le plus lunaire de sa génération préfère l’humour (?) de La caissière du super pour teaser ce seizième album. Soit une chanson à contre-courant du reste d’un opus moins érotique mais plus mystique que les précédents. Soit. Arthur y met du soleil, des étoiles et des lunes : autant d’astres et de planètes auxquelles il aime se raccrocher et qu’il aime poétiser et humaniser. Soleil dedans ne rompt pas pour autant avec la prolixe discographie du fils prodige. Plus haut perché, cet album offre quelques envolées vocales à la frontière d’un Antony and the Johnsons et d’une Barbara Carlotti. Au rayon de la chanson libre et voluptueuse, vous ne trouverez que lui, le « H » d’Arthur.
Arnold Faivre
MOUSSU T E LEÏ JOVENTS
Opérette
(Manivette Records / Le Chant du Monde)
Ce disque sonnait comme une évidence pour Moussu T, tant le folklore et le patrimoine marseillais transpiraient et apparaisaient en filigrane dans ses disques. En quatorze titres, il reprend des chansons écrites entre 1930 et 1940, principalement par ou pour la vedette de l’époque Alibert. Entre bal et blues, chanson et musiques du monde, le banjo mène la joyeuse danse dans laquelle Moussu T revisite ses titres, le sourire aux lèvres. On se promène dans les calanques, les corniches, entre ciel et mer, dans Marseille et son arrière-pays. L’amour tient néanmoins une place de choix dans cette Opérette et, sous couvert de folklore, on découvre des textes aux résonances universelles, comme Deux grands yeux noirs ou L’amour est à tout le monde. Fort d’arrangements inventifs, agrémentés de choeurs féminins délicieux, on est entraînés dans cette farandole qui fait le pont, avec la pointe de chauvinisme qu’il faut, entre les Marseillais du siècle dernier et ceux d’aujourd’hui.
Benjamin Valentie