BRIGITTE FONTAINE
Pick up
(Verycords)
Les textes de ce Pick up (Cantilène, Crevards miteux pauvres errants…), singuliers, sensuels et gourmands, vous sautent à la gueule, dégoupillés par la diction unique et la voix ensorcelante de Brigitte Fontaine, posée sur les mélodies d’Areski. Cet opus est produit par The Limiñanas dans son home studio perpignanais, avec Areski aux percussions, Marie Limiñana et Matthieu Rabaté à la batterie, Pascal Comelade aux claviers, Bobby Jocky à la basse, Lionel Limiñana et Alban Barate aux guitares. Le groupe passe de la transe hindoue au krautrock, du rock garage au psyché chaâbi… Musicalement, ça fait mal et ça fait du bien. À l’instar de la photo illustrant la pochette, Brigitte Fontaine sera pour toujours une mouflette malicieuse, une gamine sauvage, une môme rebelle. Et pour tout ça, choukrane, chère Brigitte. Un album hors d’âge comme on le dit d’un bon alcool, à écouter très fort et sans modération.
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Sam Olivier
COLINE RIO
Ce qui nous lie
(Baronesa)
Que c’est doux, cette voix de soprano qui tire une puissance jamais forcée de sa légère fragilité. Telle l’eau d’un ruisseau qui, parfois, se transforme en cascade. Dans son nouvel EP, Ce qui nous lie, Coline Rio partage ses chansons avec des artistes qui, comme elle, cultivent la délicatesse. À l’image de Voyou qui, sur le joli piano et la trompette légèrement orientale de Se dire au revoir, chante avec elle une rupture amoureuse dépourvue d’amertume. Ou de Dany Coutand, qui reprend et harmonise L’amitié de Françoise Hardy. Portée par les percussions de Trio SR9 dans On m’a dit, Coline Rio fait « s’envoler » sa voix qui, dans Ton nom aux côtés d’Hélène Sio, évoque le vibrato du chant des sirènes. Elles sont dix (dont Barbara Pravi, Emily Loizeau ou encore Laura Cahen…) dans Homme, bijou de polyphonie féministe, bouleversant. On écoute l’EP une fois, deux fois, trois fois… et notre cœur bat plus fort.
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Marion Mayer
SANSEVERINO
C’était mieux maintenant
(Verycords)
« C’est un double titre caché derrière une fausse faute de temps, la question est posée : était-ce mieux avant ? NON ! », tranche Sanseverino. En onze morceaux cinglants, il drible les rengaines sur le bon vieux temps et les absurdités d’aujourd’hui, à travers notamment une réflexion sur l’immigration. Maintenant, mélangeons -nous ! Pas de boiseries bluegrass ni de pompes manouches, Sansev’, toujours les deux doigts dans la prise, se plonge dans le R’n’B des années Tamla (plein la tronche) et le groove casse-bassin, à l’image de la fessée funk Pas la guerre, pour laquelle il se met en mode Macéo. Cocottes de guitare ou cicatrices de disto un rien raw blues, basse et batterie tout en syncope, percus tribales, nappes de Fender Rhodes et d’orgue Hammond… le brûleur de chapelles débarque sur les dancefloors tout en lorgnant les rives africaines (où il devait enregistrer ce disque). Oui, c’était mieux maintenant.
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Ben
KLÔ PELGAG
Abracadabra
(Secret City Records)
Notre-Dame-des-Septs-Douleurs avait marqué l’année musicale québécoise en 2020 et avait ouvert encore un peu plus les portes de la vieille Europe à sa compositrice. Un album de Klô Pelgag est à chaque fois un événement, ce dernier n’y déroge pas. Le vent de fraîcheur est encore présent et offre une place à part à Chloé Pelletier-Gagnon. Abracadabra est un mot tiroir duquel sortiraient toutes les solutions à nos angoisses, nos attentes et nos tracas. Il s’agit ici de lui redonner un sens plus poétique. La plume toujours aussi aiguisée portée par ces fameuses mélodies perchées et cette voix parfaitement maîtrisée. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, elle s’est occupée seule de la réalisation. Pari gagné : musicalement, l’expérimentation s’accorde magistralement aux recettes qui font son succès depuis presque quinze ans. Magicienne de nos vies, Klô Pelgag n’a pas fini de nous surprendre.
Mathieu Gatellier
NICOLAS MICHAUX
Vitalisme
(Capitane Records)
Troisième album du peintre pop-folk, poète paysagiste, multi-instrumentiste et producteur adepte des slow tempos et des orchestrations vintage. Frayant avec les Beatles (She’s an easy rider), Serge Gainsbourg, Nina Hagen, le Velvet Underground, voire Arnaud Fleurent-Didier (son phrasé délicieusement nonchalant sur Peace of Mind#2), Nicolas Michaux dépoussière la pop actuelle sans chercher à faire date. Un génie et un esthète des textures, qui groove a minima et dodeline langoureusement du bassin sur Chaleur humaine. Alternant textes en français et en anglais, l’ancien Liégeois écrit le nez dans le café, sucré avec nuages épais, préférant les images nues à la licence poétique, et ce pour prôner un retour à la nature, à la simplicité, à la déconnexion généralisée, lui qui vit entre Bruxelles et l’île de Samsø au Danemark. Discret et audacieux, hors cases, Nicolas Michaux rappelle que tout est matière… vibrante.
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Youri
BAPTISTE W. HAMON
Country
(Manassas/Modulor)
Fidèle à son amour du répertoire country qui l’inspire depuis ses premiers disques, Baptiste W. Hamon sort un nouvel album bien nommé. Dix titres qui semblent arriver tout droit du Texas. Tous les ingrédients qui ont fait la réputation de ce style sont présents, à tel point qu’on peut être surpris que ce soit bien en français que le chanteur interprète ces morceaux. En effet, Baptiste W. Hamon a respecté les codes du genre tout en y ajoutant ses textes qui se marient admirablement à sa guitare folk et à sa voix traînante de cowboy fatigué. À l’écoute de ce disque, nous aussi voulons être brûlés par cette Fièvre honky tonk, touchés par cette authenticité si réconfortante en ces temps d’artificialisation sonore et de musique standardisée. Merci à Baptiste W. Hamon de n’avoir jamais trahi ses choix musicaux et de continuer à nous dire envers et contre tous : « Oh, que j’aime la musique country ! »
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Julie de Benoît
RODOLPHE BURGER
Avalanche
(Dernière Bande)
Avalanche, c’est un trio formé par le guitariste Rodolphe Burger, le batteur Christophe Calpini et Blaise Caillet, inventeur du glitch jazz. Les compositions instrumentales des deux derniers ont été enrichies par la guitare, la voix, et les textes du premier, mais aussi par ceux de Pierre Alferi et d’Olivier Cadiot, pour une avalanche d’hommages à Dylan Thomas, Ronald Laing, Conrad Aiken, Georg Büchner, ou à la poésie médiévale anonyme andalouse. Les titres contemplatifs, déclamés en spoken word par le rockeur, nous emportent vers des rivages philosophico-yogi. On parlera aussi de « ciné-album » lors des concerts avec projection d’images propres à chaque morceau. L’ironique Encore et encore, et ses « boucles monotones », est une autocritique comme une suite de Samuel Hall (composé par Burger pour Bashung). À Dean Martin, fraîche reprise d’une chanson de Fabio Concato, détend. Classieux et inclassable.
Sam Olivier
PAPA DAMDAM
Fétiche
(Autoproduit)
« French pop et african groove ». Voilà comment le trio définit sa musique. En réalité, c’est bien plus bariolé que ça, à l’image des trois papas qui mettent le dawa sur la scène française depuis des lustres : Hervé Jegousso, le contrebassiste de Karpatt ; Nader Mekdachi, le dynamiteur électro-world et fondateur de Padam ; et François Causse, l’actuel batteur de Zoufris Maracas (Alain Bashung, Didier Lockwood). Les trois sans moustiquaires pratiquent de grands écarts entre la chanson, le rock, la rumba congolaise – le guitariste burkinabé Abdoulaye Traoré joue les secousses soukous sur Avant que je ne t’approche –, les langueurs méditerranéennes et les ivresses du tsapiky, musique cérémonielle de Madagascar, affolée depuis qu’elle est amplifiée, et que l’on entend aussi bien dans les bals poussière que dans les errances urbaines, censée faire danser les morts et les vivants… La fièvre et la fête pour seuls fétiches.
Milo G.
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