Les 8 indispensables du numéro 107


LES COWBOYS FRINGANTS

Pub royal

(La Tribu)

Quelques mois à peine après le décès de Karl Tremblay, le groupe dévoile un douzième et ultime album dont six pistes accueillent la voix du regretté chanteur. Dès les premières secondes de Bienvenue chez nous, titre hautement festif, le chant de Karl apparaît et nous fait frissonner, car elle nous manquait depuis si longtemps. La transition avec Loulous vs Loulou, Y’est 3 heures on ferme ! et La fin du show, véritable adieu épique, est d’une intensité émotionnelle rarement égalée. Les paroles nous percutent et elles touchent l’intimité de notre vie comme jamais. En clôture de ce disque, Les cheveux blancs et Merci ben ! nous aident à relever la tête et à accepter l’inévitable. Émouvant, saisissant et renversant, mais aussi splendide, réjouissant et éclatant. Étroitement lié à la comédie musicale, Pub royal est le parfait héritage artistique qu’aurait pu laisser le groupe à ses nombreux fans. Il va marquer l’histoire.

www.cowboysfringants.com

Quentin Börner-Hingrand


HELLDEBERT

Enfantillages 666

(Sony Music)

Depuis le temps que la nouvelle idole des (très) jeunes flirtait avec la musique à cornes, ce n’était qu’une question de timing avant que son alter ego maléfique ne prenne le dessus et n’envahisse les cours d’école de ses riffs explosifs ! Et si Aldebert (ici devenu Helldebert) n’est certainement pas le premier artiste pour enfants à s’être tourné vers le metal (Henri Dès, Bernard Minet), c’est sans aucun doute celui qui pourra s’enorgueillir de la reconversion la plus réussie. Véritable amateur du genre, le musicien rend un vibrant et inspiré hommage aux différents registres qui le composent à travers un album ultra-référencé, dont le tour de force est non seulement son incroyable casting cinq étoiles (SOAD, Amon Amarth, Soulfly, Mass Hysteria, Tagada Jones, etc.), mais aussi et surtout sa plume sensible et intelligente, loin des mièvreries indigestes et trop souvent coutumières d’une partie du répertoire jeune public. Hell yeah !

www.aldebert.com

Xavier Lelievre


ALEE & MOURAD MUSSET

Second printemps

(Label d’à côté)

Il fallait s’y attendre, c’est un live que les deux bêtes de scène sortent en commun, eux qui tournent ensemble depuis de nombreuses années, notamment au sein du Collectif 13. Second printemps est allusion à une révolution qui aurait pu changer le monde, mais « ce monde est à refaire ». Alors, le duo propose son second round en chansons. On retrouve celles qu’on connaît déjà de leurs répertoires respectifs : Almarita ou Les cigales chez Mourad, Vole ou Troubadour côté Alee. Le collectif étant leur marque de fabrique, cet album ne manque pas d’invités : HK, Guizmo, Gérôme Briard, et Annabelle Hanesse sur le sublime et nécessaire Shalom / Salam. De La chanson française exactement comme on l’aime : métissée, festive, généreuse et engagée (Avant d’être un homme, On est des lions). Certains titres ont été écrits il y a plus de vingt ans et n’ont pas pris une ride, comme l’énergie de ces Troubadours.

https://labeldacote.band.fm

Stéphanie Berrebi


BONBON VODOU

Afrodiziak

(Heavenly Sweetness)

« Manche de réglisse sur nos haches de guerre (…) nougatine salée, chamallow barbelé, manioc, épices, piment, piment… Croque le Bonbon Vodou », invitent Oriane Lacaille et JereM Boucris dans Cérémonie du piment, premier titre explosif de cet EP bien nommé. On vibre au son du maloya nouveau, au rythme des chants tribaux, des transes du kayamb et du bobre (arc musical), « des tambours sucrés et du créole crié ». Bonbon Vodou a convoqué un trio pour le moins pimenté, composé de Roland Seilhes (sax, clarinette et flûte), Juliette Minvielle (tambour à cordes, claviers) et Yann-Lou Bertrand (basse, flûte, trompette). Bonbon cuivré. Les quatre titres, dont deux dynamitages - Le nougat de Brigitte Fontaine et La complainte des filles de joie de Brassens -, dessinent une nouvelle fresque réunionnaise, celle de l’Atlantique noir et des horizons bariolés, de la batarsité et des beaux métissages (Afrodiziak).

https://bonbonvodou.fr

Ben


IRNINI MONS

Une habitante touchée par une météorite

(Dur et doux / Another Record / HViV)

Foi d’ufologue, quand on se prend une météorite en pleine poire, on en sort rarement indemne. Comme l’habitante, on a été touché, plein pot. Le quatuor lyonnais (ex-Decibelles) ne fait pas dans la dentelle de Calais, il préfère le crochet dans les dents. Irnini Mons verse dans le post-punk sauvage, le rock bruitiste et les hallucinations new-wave, avec force guitares distordues et synthés éthyliques, une basse à la baston et une batterie barre à mine. Un croisement mutant entre Elli & Jacno et les Talking Heads, sous le regard ravi de Lester Bangs. Chaque titre est un bâton de TNT doublé d’un texte moins barré qu’il n’y paraît, haché et aussi sec qu’un impact de flash-ball. Dans Elis police, les lanceurs d’alerte et de pavés épinglent les violences policières : « Claque, matraque, BAC / Blocage à la fac / Lacrimo / High kick dans le dos / Nasse, tonfa / Crise de parano ». Mort aux sages.

www.facebook.com/IRNINIMONS

Youri


LOTONE

Horizons

(Ariane Productions)

Lotone berce les cœurs d’une langueur pas du tout monotone. Les plus beaux voyages sont ceux qui se font en prenant le temps de flâner et de divaguer. Ce duo - composé de Baptiste Dupré, guitariste folk et guide-accompagnateur en montagne, et du multi-instrumentiste David Millet, à la kora sur ce projet - chemine slow tempo entre l’Ardèche à l’Afrique de l’Ouest. En ballades folk bucoliques ou hypnotiques quand elles sont teintées d’électro et menées crescendo (Horizon, L’instant funambule), déroulées sur le fil des cordes sensibles ou lézardées (Je traverse les villes). Des « chansons indé-scriptibles » mêlant l’authenticité acoustique, les climats Lo-Fi et les digressions des machines. Audacieux, sans tomber dans la musique savante, Lotone apporte sa propre vision du mariage de la folk et de la kora, sans chercher à rapprocher les continents. Privilégiant l’intériorité à l’universalisme, Lotone se passe de boussole.

www.facebook.com/LotoneOfficiel

Bob Bémol


ARBAS

L’écho des brasiers

(Autoproduit)

Souvent, l’exercice de la chronique consiste simplement à chercher des formules et des tournures pour décrire des productions régulièrement engluées dans le mainstream. Avec Arbas, l’enjeu est tout autre et consiste à résumer la puissance de cet EP pour vous donner envie de l’écouter. Car en cinq titres seulement, adossée à une base musicale souvent minimaliste, Arbas balaie 99% de la production du moment. Armée d’un ukulélé ou d’une basse, la chanteuse nous saisit à la gorge pour ne plus nous lâcher avec son interprétation tout en puissance et en subtilité mêlées. On soulignera l’apport de Katel à la réalisation, qui réussit le tour de force de créer de la luxuriance par l’épure sonore, ainsi qu’une remarquable gestion de l’espace et de l’alternance tension-relâche. Rarement un EP aura autant imprégné mes oreilles ces temps derniers ou porté un titre aussi approprié que cet Écho des brasiers, disque de feu.

www.facebook.com/arbasmusic

Alex Monville


SAGES COMME DES SAUVAGES

Maison maquis

(Capitane Records)

Après le succès surprise de son premier album adoubé par le public, le duo composé d’Ava Carrère et d’Ismaël Colombani poursuit sa belle aventure en sortant ce troisième opus. Un disque plein de vie qui renouvelle l’art bohème de ce binôme atypique, joyeux funambule des notes et des rythmes, multi-instrumentiste, qui s’intéresse aux pulsations du monde pour créer un folklore hybride, célébré en voix, souvent multiples. Un bel objet discographique qui a des choses à dire, à transmettre, et qui a bénéficié de la science des rythmes afro-cubains de Dakou, de celles des nombreux invités et agitateurs artistiques, dont le « Petit prince du raï » Sofiane Saidi, le collectif de folk occitan San Salvador, les musiciens africains Stimy Stimela et Blessing Chimanga, et enfin MPL qui apporte sa touche décalée. Un brillant assemblage qui donne ainsi corps, vie et âme à cette brillante Maison maquis.

www.sagescommedessauvages.org

Fabrice Bérard


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