FFF
I scream
(Verycords)
Non, vous ne rêvez pas, ou peut-être que si ! La Fédération Française de Fonck est enfin de retour sur disque, plus de vingt ans après Vierge, trente-six ans après sa création ! Force est de constater que le poids des années n’a pas de prise sur la bande. Dans une ambiance survitaminée, on retrouve cette parfaite fusion de rock et de funk, où guitares ardentes (Yarol Poupaud), batterie fougueuse (Krichou), basses groovy (Niktus) et cuivres chaleureux réveillent nos instincts les plus tribaux. On retrouve la plume affûtée du Prince Marco, ses jeux de mots (dont le titre de l’album), qui ne manquent pas de sens. Il aborde, avec son mordant, des thèmes inusables comme la société du paraître, la folie ambiante, le temps qui passe… Le ton reste léger, priorité au groove et au lâcher-prise. Après quelques dates de concerts réussies, on espérait fébrilement cet album. Et on peut affirmer que FFF est toujours capable du meilleur.
Stéphanie Berrebi
PIERRE GUÉNARD
Je n’ai plus peur de danser
(Baronesa)
La mue avait déjà été entamée en 2022 avec le roman urbain et poétique Zéro gloire, qui nous faisait découvrir un Pierre Guénard qu’on ne faisait que deviner à travers le percutant groupe Radio Elvis. Ici, une bonne fois pour toutes, la bride est totalement lâchée. L’artiste se dévoile comme jamais. Un besoin, une véritable catharsis. Je n’ai plus peur de danser ou comprenez : je n’ai plus peur d’être qui je suis. Le premier titre, Harry, pose les fondations, « montre-leur qui tu es Harry ! » Comme un mantra que l’on retrouve tout au long de ces dix titres mêlant ballades et rock libérateur avec pour toile de fond ces textes à la lame aiguisée (La gâchette) ou plus méditatifs (Sur le bord). Que ce soit les racines avec Fontainebleau ou les relations familiales avec La guitare de mon père, Pierre Guénard sait parfaitement raconter sa propre histoire tout en faisant écho en chacun de nous. La liberté lui va à merveille.
www.facebook.com/jesuispierreguenard
Mathieu Gatellier
CLIO
Carambolages
(uGo&Play)
À l’instar de Nouvelle Vague (formation française reprenant des standards new wave en bossa nova), Clio incarne une certaine image de la pop francophone, voire de la France auprès d’un public international. En attestent les écoutes de ses fans disséminés autour du globe. Car écouter Clio, c’est se promener dans le Paris des films de Rohmer ou de Truffaut. Romantique et élégant. Une sensation renforcée par des choix de production et de réalisation évoquant tout à la fois François de Roubaix, les B.O. des années 70 par les arrangements de cordes et les premiers Lio dans une sorte de combo « ultra french pop » ! Ajoutez à cela un duo malin avec Alex Beaupain, évoquant les fantômes de Jane et Serge, et vous comprendrez que tout l’art de Clio consiste à se maintenir en permanence sur le fil. Manier tout à la fois cette voix dans le souffle, ces références écrasantes tout en évitant le mauvais goût est un tour de force. Réussi.
Alex Monville
EDDY LA GOOYATSH
La faim du tigre
(ArtDisto)
Alternant entre projets personnels et spectacles jeune public, Eddy La Gooyatsh n’arrête jamais d’écrire ni de composer, s’essayant à de nombreux styles musicaux et abordant toutes sortes de thèmes que lui inspire le monde. Dans ce nouvel album de neuf titres originaux et une reprise joliment interprétée de Comme un avion sans ailes de CharlÉlie Couture, le multi-instrumentiste jongle avec les cordes et les claviers, accompagné tantôt de synthétiseurs, tantôt d’instruments à vent, avec une richesse et une diversité d’arrangements magnifiques. Dans ce disque empreint de douceur et de poésie, le chanteur nous parle de ses espoirs, de ses amours, de ses doutes et de son besoin de Croire en mieux. Dans la simplicité d’un ukulélé-voix suivi par une superbe partie de cuivres, l’album se conclut sur Pas besoin du monde… Mais il se pourrait bien que le monde, lui, ait besoin d’Eddy La Gooyatsh.
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Julie de Benoist
CLARA YSÉ
Oceano nox
(tôt Ou tard )
Compositrice, chanteuse, romancière, Clara Ysé ne cesse de bluffer le landerneau de la musique depuis la sortie de son premier EP, Le monde s’est dédoublé. Titre qu’elle reprend ici avec une orchestration délicatement dépouillée, au fil des lézardes de violons et des pizzicati de violoncelle. D’aucuns lui reprocheront une forme de classicisme, voire sa scansion de soprano, rappelant les années L’Écluse. Disons-le clairement : ça fait des lustres qu’on colle le macaron « héritière de Barbara » à quiconque bégaie sa mélancolie en tentant d’émerger du chaos. Clara Ysé explose le game. Il suffit d’écouter sa sensuelle Magicienne, évoquant le trouble entre deux femmes, ses élans et ses pas de côté. Une femme-louve, un Cœur indompté. De la bibliographie de sa mère, la psychanalyste Anne Dufourmantelle, morte noyée en sauvant deux enfants, Clara aime particulièrement son Éloge du risque. Le risque, elle s’y confronte avec talent.
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Ben
ARCHIMÈDE
Frères
(709 Prod)
Si la complicité féconde des deux frangins Boisnard ne faisait, jusqu’ici, aucun doute, ce nouvel album scelle avec tact et pudeur cette délicieuse alchimie, qui les agite depuis presque vingt ans. Biberonnés à la pop des Beatles, de Dutronc ou encore d’Oasis, leurs jumeaux maléfiques d’outre-Manche, les Lavallois restent abonnés aux mélodies sucrées à souhait et refrains calibrés format « p’tit tube », pour la plus grande jubilation des adeptes du genre. Il faut dire qu’Archimède fait preuve d’une certaine régularité dans ses sorties discographiques, dont chacune s’est avérée admirable et soignée. Mais alors, de quoi parlent ces nouvelles chansons ? De fraternité, évidemment, mais aussi d’amour, du couple, des technologies modernes, de thèmes on ne peut plus courants, preuve par A + B que les chemins de la simplicité sont parfois les plus doux à emprunter, n’en déplaise aux petits rats de laboratoire de la chanson.
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Xavier Lelievre
PHANEE DE POOL
AlgorYthme
(Escales Productions)
Dire que cette troisième galette de la Suissesse est un régal serait un euphémisme, tellement il est grandiose. Déjà parce qu’il se fait de plus en plus rare d’entendre en instruments dominants violons et altos, contrebasse ou piano, soutenant tout en subtilité les textes « slappés » de l’artiste. Elle touche à l’intime avec une interprétation toujours juste, laissant transparaître toutes sortes d’émotions. Mélancolique lorsqu’elle chante Couple en solitaire ou Noyés dans la masse. Espiègle lorsqu’elle plaisante dans un dialogue improbable avec Henri Dès (Dites Henri) ou chante la vie du Moineau des villes. L’artiste percute lorsqu’elle parle de nos vies régies par l’Algorithme, ou qu’elle redéfinit la liberté (avec la voix de Paul Éluard) dans le sublime C’est un art. À l’instar du visuel du disque, Phanee (op)pose des regards sur le monde, l’intime ou l’insolite, et peint une belle fresque de notre époque.
Stéphanie Berrebi
BENOIT PARADIS TRIO
La tête ailleurs
(Autoproduit)
Cinq ans après La quintessence du cool, le trio de jazz ébouriffé a remis le nez en studio et la tête à bonne distance des niaiseries actuelles pour mieux les croquer avec absurdité. D’emblée, Benoît questionne l’enfer sur terre et la société des Écrans : « Est-ce que tu savais qu’on pouvait faire des bouquets de fleurs avec des pilons de poulets ? » L’amour ? Puisque qu’on ne peut que se perdre dans « ses mâchoires d’alligator assoiffé de sang » (Bayou du sentiment), le trio tangue entre sauteries rhythm’n’blues et soufflants sauce New Orleans. Piano jazz cool sur Dans les bois, un retour au verdâtre : « On était prêts à décoller mais les roues / Spinnaient dans l’beurre tristement / T’es sortie pousser l’char la face dans l’pot d’échappement ». La crise du logement à Montréal ? Le BPT livre un constat pas jojo sur musique mambo et remet au goût du jour le jeu de la Chaise musicale. Un jazz décapant et faussement farce.
Youri
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