SHAKA PONK
Shaka Ponk
(tôt Ou tard)
Après vingt ans d’existence et plus d’un million de disques vendus, Shaka Ponk fait ses adieux avec une dernière méga tournée et un ultime album majoritairement en français. Une première pour la der, il ne fallait pas rater sa sortie. Shaka Ponk fait du Shaka Ponk, soit une compilation de coups de latte de metal lourd et mélodique, de bastons électro-rock et de déluges de bpm, le tout balancé plein pot et potards à fond, avec des riffs de guitare rageurs, des synthés tantôt TNT, tantôt syncopés (13000 heures), les frappes fiévreuses d’une batterie sauvageonne, et les gueulantes ou les flows frontaux du duo Samaha-Frah. Dès les premières notes, ça sent la poudre : SHK PNK distribue les baffes contre, pêle-mêle, le saccage de la planète (Essence), le capitalisme, les algorithmes (Dad Algorhythm), l’individualisation de la société et les cons en tous genres (J’aime pas les gens). Parfois, quand ça fait mal, ça fait du bien.
Ben
JIL CAPLAN
Sur les cendres danser
(At(h)ome)
Elle se disait « imparfaite » dans son album précédent, un disque aux sonorités jazz et manouche. Aujourd’hui, nous retrouvons au fil de ces douze titres la Jil Caplan folk, country et rock. Elle a rechaussé ses bottes et ses lunettes noires. Ce disque est aussi celui d’une rencontre, celle avec la talentueuse Émilie Marsh. Imaginez ce que peut donner ce tandem de choc et de charme. Première réponse sur Il n’y a rien entre nous, une jolie chanson d’amour malgré l’intitulé, qui aurait pu être composée par le regretté Serge Gainsbourg, l’artiste faisant partie des références du duo. Sur Tout étendre, titre qui ouvre l’album, on flirte avec la folie, autant dans le texte que dans l’interprétation. Animal animal est sans doute le morceau le plus rock, aux influences british. Sur les cendres danser, comme une urgence de vivre… et celui de se procurer ce magnifique album.
Franck Inizan
BERTIGNAC
Dans le film de ma vie
(Barclay)
Il est entendu que Louis Bertignac est un des plus grands auteurs et mélodistes français (2000 nuits, Ces idées-là, Cendrillon…), doublé d’un guitariste hors pair. Une machine à tube, sans prétention. Il le prouve encore sur ce nouvel album avec le sublimissime Jamais ou encore Allez vite !, un titre inspiré par la guerre en Ukraine. Le film de ma vie, texte offert par un fan de l’autre bout du monde, retrace son parcours d’Oran, en Algérie, à aujourd’hui. Cerise sur le gâteau, sur ce titre, on retrouve à la batterie Zak Starkey, le fils de Ringo Starr. Poussière bleue est cette ballade ultime qu’on attend, autre marque de fabrique de l’artiste. Peut-être un jour clôt magnifiquement cet album, rempli d’amour, dans lequel il mêle sa voix à celle de sa femme et à celles de la chorale Gospel Kids. Un bonheur partagé, trépignant déjà à l’idée d’un nouvel épisode. Louis, quand tu veux !
Eddy Bonin
PHILIPPE B
Nouvelle administration
(Bonsound)
Artiste majeur de la scène musicale québécoise, Philippe B n’avait plus sorti d’album depuis 2017. Ce sixième opus restera un marqueur fort dans sa discographie pour un événement précis : la paternité est entrée dans sa vie et transparaît tout au long de ces dix titres. En ouverture, Je t’attends pose les fondations. Aux arpèges enivrants s’accompagnent ces mots finement ciselés à la poésie imagée. Le reste de l’album est à la hauteur. On navigue entre Montréal et le paradis d’Abitibi, toujours dans un souci de composition sensible et épurée, entre traditions folk et chansonnière. L’ère du verseau, Pauline à la ferme, Les filles, Les orages là-bas évoquent son nouveau rôle de père et tous les questionnements qui vont avec. Thème ô combien délicat à mettre en chanson, sans tomber dans des lieux communs. Dix titres intelligents qui ont pris le temps d’exister. Philippe B chante la vie et il la chante à merveille.
Mathieu Gatellier
ADÉLYS
Toutes les fenêtres et les ruisseaux
(La Voix d’Aile)
Tous ceux qui ont découvert la chanteuse sur scène doivent savoir à quel point ce premier album était attendu, car Adélys ne lésine ni sur le fond ni sur la forme. Sur la forme, elle a fait appel à Mell à la coproduction et à la photographe belge Lara Herbinia pour les visuels. L'autrice-compositrice-interprète s’est fait un nom en France, en Belgique et au Canada grâce à son ciré jaune, ses chorégraphies arachnéennes (L’araignée), sa voix douce, ses arrangements électro et son charisme. Avec ses mots qui claquent, elle aborde des sujets essentiels, dont le rapport au corps, sur lequel on aimerait ne pas être constamment jugés (Ton corps) et les dérives du monde de l’entreprise dans Lundi matin. Adélys se montre aussi sensible à la planète, faisant de l’eau le thème central de ce disque (Le déluge, Toutes les fenêtres et les ruisseaux, Écoutez le nord). Un premier disque brillant et solaire, dépassant toutes les attentes.
Stéphanie Berrebi
SYKA JAMES
Ondes
(Murmure Publishing)
Ancienne joueuse de tennis, Syka James a grandi dans une famille pluriculturelle, qui lui donne le goût de l’écriture et de la musique. Passionnée par les mots, elle suit des études de lettres modernes, en parallèle de l’apprentissage de la guitare en autodidacte. Son nouvel EP, Ondes, est le fruit d’une artiste pleine de sensibilité et d’une femme accomplie. Dans La haine, elle dresse un constat doux-amer sur le monde et tente de garder espoir. À travers sa douce reprise d’Aline, elle rend un vibrant hommage à Christophe. Je plane est une invitation au voyage introspectif, qui se poursuit par Echo, une mélodie en guitare-voix pour un écrin de tendresse. Prendre le large embarque l’auditeur dans une escapade maritime et amoureuse. Syka se fait plus punchy et pop sur Premier rendez-vous, un titre aux sonorités des années 60 rappelant que l’instant se savoure là où la vie n’est que promesse de nouveaux frissons.
Céline Dehédin
GLAUQUE
Les gens passent, le temps reste
(Écluse / Auguri Labels)
Voilà un titre d’album qui fleure bon l’impermanence ; les bouddhistes apprécieront, malgré l’absence de bols chantants. Les mantras du combo namurois s’inscrivent plutôt dans l’électro berlinoise, les beats industriels, les transes synthétiques et le flow taillé dans l’os. Autoportraits sans filtre ni concession (Friable), refus des poses et des impostures, rejet d’une vie vivotée ou d’une existence Rance, les Belges balancent les titres format frites dans le cornet des adeptes de Pangloss et de son credo « Tout est au mieux dans le meilleur des mondes ». Ni candide ni optimiste, le groupe pratique la poésie brute et la polysémie, plus proche de la philosophie nihiliste que du double sens des « soneros » cubains. D’ailleurs, comme le slame Louis Lemage d’une voix blanche, il existe Plusieurs moi. Un album de rupture, avec sauts dans le vide et coups dans le bide. Tout sauf glauque.
Youri
FRÉDÉRIC BOBIN
Que tout renaisse
(Autoproduit)
Un nouvel album de Bobin, c’est d’abord un long travail à quatre mains, riche d’échanges entre son frère Philippe à l’écriture et lui-même à la composition. C’est ensuite une année pour réaliser ce formidable enregistrement tout en finesse et en puissance. Frédéric est aux manettes et crée de subtils arrangements, où les guitares folk rencontrent des choeurs planants ou laissent percer une pointe de rock. Buridane est présente aux choeurs et dans la chanson éponyme de l’album, Que tout renaisse. Frédéric chante les retrouvailles amoureuses, le village qui disparaît, la vie qu’on marchande pour de la gloire, l’étoile anonyme de son guitar-hero. Il se souvient de l’ado fou des Beatles et des nuits de dingue de l’étudiant. Il cite Jean Genet, Dutronc et ses cactus, Django, Confucius et Leonard Cohen, dans un album tout de culture et d’émotions, qui touche au plus profond par son engagement et son humanité.
Yves Le Pape
Écrire commentaire