APES O’CLOCK
À l’aube du tumulte
(Monkz Prod)
D’année en année, on constate que les groupes fondent comme neige au soleil, pour des questions économiques souvent et, peut-être aussi, comme un reflet d’une société qui se replie sur elle-même. Certains, fort heureusement, résistent, on ne peut que le saluer. Apes O’Clock, c’est l’âme rock dans l’énergie, les sons de guitares, le chant plus proche du rap et des cuivres qui viennent unifier le tout. Un second album donc pour nos sept musiciens exprimant une colère primitive (et justifiée) à travers des histoires plus ou moins fantasques (Il était une fois ou Hans-Peter Von Barrick), saupoudrées d’ironie (Gnark). Lorsqu’il s’agit d’opposer l’écologie à la finance (Le temps des récoltes), nos primates ne mâchent pas leurs mots, pas plus que lorsqu’ils abordent les déceptions humaines (Faux frère). Un bon coup de pied dans la fourmilière.
Stéphanie Berrebi
PAPET J
Pas pressé
(Manivette Records)
Une pochette qui reprend les codes graphiques historiques du reggae, sur laquelle se dessine un visage souriant, chapeau vissé sur le crâne. Pas de doute, nous sommes de retour dans l’univers de Papet J, le vénérable MC du Massilia Sound System, huit ans après sa dernière excursion solo. Sorti en vinyle trente ans, jour pour jour, après la victoire de l’OM en Ligue des Champions, ce Pas pressé fait chauffer la sono tout au long des dix titres. Papet J n’a rien perdu de sa verve et de son flow légendaires. Ce fin observateur de la cité arrive toujours en quelques mots à trouver l’angle juste pour mettre en parallèle nos comportements individuels et collectifs (Bonne raison, Changer de route…). À rebours des modes actuelles (Pas pressé, Éléments de langage), empreint de positivité, Papet J refait du neuf avec du classique pour nous apporter une belle dose de lumière et de philosophie.
www.facebook.com/PapetJ.Marseille
Benjamin Valentie
OCTAVE NOIRE
Les airs digitaux
(Yotanka)
Octave Noire, c’est d’abord l’alchimie entre le compositeur et chanteur Patrick Moriceau et de l’auteur Frédéric Louis. Les airs digitaux nous transportent par leur richesse mélodique. Les onze titres sont emplis de claviers vintage - le fameux VCS3 taquiné par Anthony Provost - et de cordes délicates, jouées par Christelle Lassort, pour un pur moment pop gorgé de tubes en puissance. À commencer par Je valide que Christophe n’aurait pas renié. On prend de l’altitude avec Une aile à toi en hommage à Daniel Darc. La cible met dans le mille avec sa révérence au Gainsbourg période Love on the beat. Des ombres planent sur nos urgences dérisoires avec Difficile à croire. On monte à l’octave avec Un rien nous dévaste, où tout est « luxe came et voie lactée ». Les airs digitaux est un album plus orgasmique que digital, plus électrique que numérique, qui s’écoute en dansant sur un volcan éteint.
Sam Olivier
GONTARD
2032
(Petrol Chips)
Gontard est - malheureusement ! - l’un des secrets les mieux gardés de la chanson française. Depuis ses premières mixtapes jusqu’à ce dernier album, notre Drômois trace un chemin singulier et passionnant. Entre guitares indie rock, spoken word et arrangements subtils échappés d’une B.O. d’un film des années 70, il construit une oeuvre dont l’ambition esthétique ne camoufle pas la mièvrerie du discours. Au contraire. Sous couvert d’uchronie, Gontard passe au crible les maux de notre époque. À la manière du Vernon Subutex de Virginie Despentes, de Black mirror ou de L’effondrement, ses personnages éclairent nos petites lâchetés d’aujourd’hui au regard de nos futures probables. Peut-être cette lucidité amère, cette conviction politique - humaniste ? - prive-t-elle Gontard de l’immense succès que méritent son talent et sa capacité à rénover les codes de la chanson d’ici ?
Alex Monville
ANTOINE HÉNAUT
Album 46
(30 Février)
4e album, non le 46e, du Belge décapsuleur de chansons et poète à la plume pan-pan. Hénaut revient avec des ritournelles guitare-accordéon, qui donnent tout à la fois le tournis et le sourire. Le fil rouge ? La paternité, comme le suggère le premier titre, J’ai pas demandé… à naître, poursuit le nouveau daron sur un rythme claudicant façon Famille Addams, voire un groove loufoque à la Snoop Dogg. Ou comment accueillir bébé dans un monde bancal. Celui du Belge aux mèches rebelles - Pop en l’air, un démontage désopilant de la « chanson populaire » de Julien Clerc - est plus caustique que chaotique. Son plat pays est un parc d’attractions musical : un reggae déguisé en rock (Mes parents rock’n’roll), l’amour vache en ternaire (Le syndrome de Stockholm) et cette Cuisine interne que les couples se concoctent à base de piments plus que de gingembre. La recette d’Antoine Hénaut ? Une louche de bourbon dans les mises en bière.
Ben
FREDDA
Phosphène
(Kuroneko)
Artiste sensible et poétique, Fredda délivre un message d’amour universel dans ce Phosphène. Début en douceur avec Nordique ophélique. Fredda fait partie de cette nouvelle vague d’artistes féminines qui se dévoilent sans concession, à l’image de Juliette Armanet et de Clara Luciani. Elle se fait romantique et passionnée sur Long, sa tessiture et son phrasé venant entériner cette comparaison. La mélodie minimaliste du titre Aube et les textes de Cheveux serpents, en duo avec Matt Low, renforcent cette sensation de tendresse et plongent l’auditeur dans un nuage de coton duveteux. Un peu de douceur dans ce monde de brutalité est salvateur. La chanson d’inspiration folk Vent diable, inspirée par le passage du cyclone Irma sur les Antilles, ajoute du rythme à l’ensemble. Au total, dix titres, pleins de poésie, qui vous feront voyager dans un univers délicat et à fleur de peau.
www.facebook.com/officiellepageFreddamusic
Céline Dehédin
GRIBOUILLE
Je vais mourir demain
(EPM Musique)
Trente-cinq chansons. Telle est l’intégrale des enregistrements de cette étoile qui a filé bien trop vite. Gribouille enregistra une dizaine de 45 tours, entre 1963 et 1968, sans même avoir eu le temps de rejoindre le Club des 27, elle qui n’en avait que 26 lorsqu’elle quitta ce monde. Furtive, elle reste une figure emblématique du Paris Rive Gauche. Sa voix est ronde, grave, touchante de fragilité, reflétant une vie vécue à cent à l’heure pour échapper aux démons de l’enfance. Son répertoire est ponctué d’une profonde tristesse dans les titres Je vais mourir demain, J’irai danser quand même ou Gueule de bois. Gribouille chante Paris (Si tu savais Paris), l’amour passionnel, la rupture (Que je t’aime, Chagrin). Ses textes sont sublimés par les compositeurs Charles Dumont, Jean-Claude Annoux ou Jean-Max Rivière. Inclus dans cette intégrale, un DVD d’un récital donné par sa compagne Marie-Thérèse Orain, qui lui rend un vibrant hommage.
Stéphanie Berrebi
LES LUNATIQUES
Orange flottant
(Dure Vie)
Après un premier single, J’ai vomi, les Lunatiques promettent de Faire danser les morts (aucun lien de causalité) sur une rythmique groove et des cocottes de guitare funk. Disco à Zombieland ! Les Lunatiques est un super-groupe québécois, composé de la fine fleur du rock local : Antoine Bourque, Ariane Roy, Simon Guay, François Pelletier et William Lévesque. Un quintet de croque-morts qui creuse à la six-cordes façon sulfateuse et à la grosse disto. Dans leur cimetière, on ne repose jamais en paix. Entre les esthétiques rock rentre-dedans (21h30), les pétards psychédéliques (Popcorn et son tapping apocalyptique), les claques postpunk (Toujours les faces), les vapeurs newwave et les clins d’oeil à Robert Charlebois et à Chocolat, ça envoie du parpaing au pays des rondins. Nous sommes de la drogue, scandent-ils dans ce rock addictif. Les oranges flottent, les cerveaux fument et les corps tremblent. Debout les morts !
www.facebook.com/leslunatiquesqc
Ben
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