YOLANDE MOREAU - FRANÇOIS MOREL
Brassens dans le texte
(Montana)
Qui de plus appropriés que Yolande Moreau et François Morel pour nous offrir une nouvelle appréhension de l’univers et des mots de Georges Brassens ? Des textes dont la modernité de ton et la richesse d’écriture sont toujours d’une actualité déconcertante. L’ambiance musicale recréée pour chaque morceau - un commissariat pour Hécatombe ou un bistrot pour Brave Margot - est une idée particulièrement réussie et agrémentée d’effets sonores judicieusement parsemés. La musique, magnifique, est là également, si indissociable de l’œuvre de Brassens, et soutient un texte royalement interprété par les deux compères. Brassens dans le texte ne revisite pas son œuvre : avec la complicité d’Antoine Salher qui en a réalisé l’orchestration, il l’illumine de la sensibilité de deux artistes touchants et irrévérencieux. Indispensable dans la discographie de tout amoureux du grand Georges.
Julie de Benoist
LA RUE KÉTANOU
À cru
(LRK Productions / Irfan)
En janvier 2020 sortait 2020, album annonciateur d’une bonne année de scène pour nos mousquetaires. La suite, on la connaît, c’est « à la maison » que La Rue Ket nous a changé les idées. Évidemment, nos quatre zèbres ne se sont pas laissé démonter et c’est (évidemment) avec un live qu’ils reviennent puisque « impossible n’est pas français ». Il s’agit là d’un bon cru de La Rue, mêlant quelques classiques (Les hommes que j’aime, Les cigales) et une bonne cuvée de 2020 (Soldat ravale, Vive la divorcée, Peuple migrant…). Quatre additifs sous forme d’inédits, à savoir une chanson (de confinement) par membre du groupe, le temps gagné en famille par Florent Vintrigner (Papa ours), Le merci des oiseaux pour ce répit par Mourad Musset, le voyage au Portugal d’Olivier Leite et l’envie de revivre de Pierre Luquet. Dans ce disque illustré par des zèbres multicolores, on retrouve la recette qu’on aime : liberté et jovialité.
Stéphanie Berrebi
MALKA FAMILY
Superlune
(Only4Music)
On se souvient à quel point l’Earth, Wind & Fire d’Al McKay avait peiné à passer derrière la Malka Family au Pleins Feux Festival de 2019. Les maîtres du groove, le plus naturellement du monde, et peutêtre sans même s’en rendre compte, avaient donné la leçon à une institution. Le groupe arpentait déjà les scènes depuis un bon moment, défendant alors l’album de leur retour après une pause de presque vingt ans. Tous les ingrédients étaient là : la musique, la danse, l’ambiance, l’esprit surtout… Parliament / Funkadelic. Outre l’occasion de faire à nouveau péter le champagne, la sortie de ce nouvel album est la preuve que Le retour du kif n’était pas qu’un petit coucou nostalgique et éphémère. Au contraire, l’aventure continue de plus belle avec une géniale collection de nouvelles chansons qui déboîtent. Confirmation en grande pompe que la chaudière reste allumée, et c’est peut-être la meilleure nouvelle de l’année.
Jean-Pierre Michy
EESAH YASUKE
Cadavre exquis
(Banzaï Lab)
Attention, pépite. Assurément nourrie à la soul, Eesah Yasuke pose ses instrus tranquillement et débite son flow à la façon d’une Keny Arkana. Si l’intonation ne flirtait pas autant avec le rap, on penserait également à Asa ou Lous and the Yakuza. Beauté et charme y compris. Mais si la Roubaisienne arrive à nous capter si facilement, c’est avec des mélodies qui ressemblent à des cris. Tout semble facile. Posé. La musique et la voix sont en parfaite harmonie. Ça joue comme elle respire. Un Cadavre exquis, exquis. À l’image de Sarah Walker, titre qui ouvre ce CD de huit titres avec force et courage. Comme l’était cette héroïne. Le poing levé. Le manque se fait déjà sentir, quand elle nous laisse orphelins sur M2M, le magnifique. Tout y est. Hâte d’entendre la suite, celle d’un parcours qui devrait ravir tous les amoureux de la Kitoko life. Une étoile vient de naître. Petite Eesah deviendra reine Yasuke.
www.facebook.com/Eesahofficiel
Eddy Bonin
SAFIA NOLIN
Seum
(Bonsound)
La Québécoise Safia Nolin passe de la tristesse à la colère, le « seum », avec ce nouvel EP qui contient quatre titres déclinés en deux versions. Les ballades mélancoliques guitare-voix (« sunrise version ») se transforment ainsi en uppercuts grunge (« sunset version »). Elle a expérimenté pour la première fois l’enregistrement studio avec un groupe aux multiples instruments et sonorités. Les singles 1000, PLS, Personne et Mourir au large, réalisés avec Félix Pelletier, passent ainsi de la mélancolie au rock alternatif. L’autrice-compositrice-interprète s’affirme dorénavant comme une artiste politique via son engagement militant qui prône le changement et la justice sociale. Celle qui a remporté il y a quelques années le prix Révélation au Gala de l’Adisq, ainsi que le prestigieux Félix de l’interprète féminine, s’affranchit des codes de l’album et de l’EP, enterre son passé et s’envole vers de nouveaux horizons.
Grégory Couvert
LOU-ADRIANE CASSIDY
Lou-Adriane Cassidy vous dit : bonsoir
(Bravo Musique)
Pas question de roupiller après de longs mois entre parenthèses-pandémie. Ce deuxième album s’ouvre sur une mitraille de guitares tordues, place à Calamity Cassidy. Formée au chant jazz, un temps choriste d’Hubert Lenoir, la pépite québécoise - lauréate du prix Coup de coeur de l’Académie Charles-Cros en 2020, dix-huit ans après sa mère Paule-Andrée -, se livre sans manières, entre esthétique pop-rock sauvageonne et folk songs vaporeuses. Titres aussi courts qu’une urgence des Ramones, guitares saturées ou piano slow tempo, voix au premier plan, quelques violons, un peu de lo-fi pour salir l’image, Cassidy fuit le bla-bla et les planques en tout genre : « Sors de ton brouillard, regarde autour de toi, prends le chemin le plus court pour une fois » (Écoute). L’album se clôt sur Bonsoir, une ballade piano-voix façon café-concert, un au revoir trop vite arrivé. Bah, cette nuit, il fera jour.
Youri
HÉLÈNE PIRIS
Non mais on va s’en sortir
(Neômme)
La chanson engagée existe toujours, Hélène Piris nous le démontre. Évidemment, cela n’a rien à voir avec la forme sérieuse du siècle dernier. Si Hélène s’engage avec humour, rien n’échappe à ses flèches aussi drôles que bien ciblées. Bien sûr, l’artiste est féministe à 100% et très clairement écolo, c’est la moindre des choses. Mais qui aurait imaginé trouver dans un même album la critique du banquier, de Pôle emploi et d’un hôpital déshumanisé ? Hélène n’oublie pas les inégalités sociales et l’homophobie, se moque de Ruquier et Nagui, s’attaque à Bolsonaro et Donald Trump, qui sont toujours là quand son amie Fanélie, elle, est partie. « Alors viens, on se bouge le cul, c’est bon pour les fessiers », conclut-elle. L’humour qui fait mal et qui fait rire. Avec une musique qui vibre via son violoncelle, les guitares de Frédéric Bobin et Sanseverino, et le swing de quelques cuivres endiablés.
Yves Le Pape
BISON CHIC
Éponyme
(Lilie’s Records / PIAS)
Chaque nuit, quand menace L’ombre d’un soir, la bête est aux abois. Débute alors la traque du Bison plus sauvage que chic, une dégringolade au ralenti, rythmée par les transes de claviers synth-pop hypnotiques et les échos cotonneux. Bison, barbituriques, boutanches, brouillard. À chacun ses rodéos. Dans cet EP, il est question de noyades, d’apnées entre deux bouffées d’air, de vertiges et de luttes intérieures. Groupe en présélection des Inouïs du Printemps de Bourges 2021, ce combo de « pop électro-organique » caennais, mené par le musicien Alex Grouldinsky, alias « Bison », également plasticien, aka « L’Ombre Chic » (connu pour ses collages), fait le grand écart entre Sébastien Tellier et Feu! Chatterton. Humeur en mode mineur, en noirceur, mélodies mélancoliques, délicieusement mystérieuses… Ce Bison choc n’a rien d’une bête de foire, il se fait la peau chaque seconde.
Benoît Merlin
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