LES WRIGGLES
7 chansons de Noël
(Blue Line / PIAS)
On n’imaginait pas vraiment que des chants de Noël puissent faire partie du registre des Wriggles. Mais évidemment, ces chansons, quand elles sont écrites et interprétées par l’un des groupes les plus irrévérencieux de la scène française, ça ne rentre plus vraiment dans la lignée du traditionnel album à écouter en famille le soir du réveillon. Sauf si votre grand-père n’a rien contre le fait qu’on lui prédise qu’il passe son dernier Noël, que votre beau-frère policier ne fait pas partie de la brigade qui a confondu le Père Noël avec un clandestin sans papiers, ou que votre petit dernier est déjà au courant que le monsieur à la barbe blanche n’existe pas ! Le temps d’un morceau, Alexis HK prête également sa voix au Père Noël, un maître pas vraiment conciliant avec les revendications de ses rennes préférés. Vous l’aurez compris, cet album est un bijou d’humour noir, cynique à souhait, une bouffée d’oxygène anti-sinistrose.
Julie de Benoist
VLAD
Le dernier
(Les Productions du Vladkistan)
Ça commence fort, très fort sous la forme d’une belle saillie textuelle avec le bien nommé Vasectomie. Vlad donne le ton de ce nouvel album, écrit comme à son habitude la plume fièrement trempée dans la provoc’, voire le vitriol. Autoproclamé meilleur chanteur de l’univers, également Président de la Dictature du Vladkistan, l’auteur-compositeur à casquettes multiples ne fait pas dans la demi-mesure, et s’attaque frontalement à différentes thématiques. C’est ainsi que, rimes fièrement en bouche, Vlad le pyromane des mots évoque de sa langue agile tour à tour les MST, des moteurs de voiture, la parité, des sujets essentiels ou pas, de sa prose incisive en proche cousin de Svinkels et de Didier Super. Une guitare joliment titillée aux accents rock ainsi qu’un accordéon qui fait immanquablement penser à Java, complètent le casting de ce chouette album aux saveurs acidulées qui a des choses à dire et à faire entendre.
Fabrice Bérard
GISÈLE PAPE
Caillou
(Paule & Paule / Finalistes)
Son premier opus, L’Oiseau, nous avait beaucoup intrigués, déjà, il y a quatre ans. Gisèle Pape compose une musique riche, quasi envoûtante, aux sonorités insolites. Sa douce voix vient se poser sur des ambiances atmosphériques, féeriques ou oniriques, selon les morceaux. Son écriture est une ode à la nature, l’eau, le vent, les animaux. La conscience du corps se fait présente, presque obsédante (Les nageuses). La délicatesse de la voix s’inscrit à merveille dans une musique planante qui vit à son propre rythme, l’harmonie tient à un fil, que maîtrise la chanteuse, architecte à elle seule de son oeuvre musicale. Son chant est éthéré, éclairé d’une fragilité assumée. Le tout est empreint d’une sensibilité très fine, toute en « féminitude ». L’onde poétique se glisse en nous, du caillou à la plaine, la forêt, la ville selon l’endroit où nous élisons domicile avec elle. Puissant et magnétique.
Annie Claire
TAGADA JONES
À feu et à sang
(At(h)ome / Sony)
La situation mondiale, tendue depuis quelques années, c’est autant de grain à moudre pour Tagada Jones. Bien malgré eux. Un album qui porte bien son nom, avec quatorze brûlots, comme autant d’appels à rébellion. Sans ralentir la cadence, le groupe gagne, toutefois, en mélodie. Comme sur Pour l’amour, pour la gloire (qui aura le fin mot de l’histoire ?), avec un petit côté punk rock US qui leur va bien, ou l’excellent Elle ne voulait pas, en duo avec le roi Didier Wampas. Des hymnes à la Bérus avec des refrains qui vous restent dans la tête. Des hommages non masqués, à tous leurs potes de la scène alternative du siècle dernier, jaillissent par tous les pores de cette galette. Du Tagada pur jus, mais à la fois innovant, comme à chaque sortie, avec un Niko au top de sa forme. Rageur Comme un lion en cage. La bande-son d’une année de privations, pour espérer encore un peu, vivre dans un monde meilleur.
Eddy Bonin
JUR
Sangria
(CRIDAcompany / L’Autre Distribution)
En écoutant le cinquième album de Jur, nous sommes témoins de l’éclosion de la maternité de cette jeune maman, Jur Domingo, ayant traversé, en écriture, l’épreuve d’une tumeur au cerveau. Nous sommes donc transportés dans une bulle de fragilité entre l’éphémère et l’effet mère… Ce bouquet de mots est écrit parfois en espagnol par la mère, parfois en français par le père, Julien Vittecoq, comme une berceuse, un cri du coeur, à leur fille Ana. Une voix chaleureuse, une orchestration apaisante, rythmant avec précision l’intensité des émotions qu’elle souhaite nous faire parvenir. Sangria est en quelque sorte une photo du monde actuel destinée à Ana. Les couleurs sont chaudes, le contraste saisissant. L’entourage des photographes (amis musiciens) se distingue dans les ombres, apportant une confiance et une sérénité, qui permet aux chansons de se montrer sans fard, sans masques, sans faux-semblants.
Paul Gouzien
LO’JO
Transe de papier
(Yotanka Records)
Lo’Jo continue de déployer ses racines poétiques nomades, d’un dix-huitième album majestueux. Douze morceaux en constellations, traçant un retour à la source, célébrant trente années d’une alchimie sonore dédiée à la chanson. Réalisé par Justin Adams (Robert Plant, Brian Eno) au mythique studio Real World et masterisé par Karl Hyde. Un retour à des collaborations : le regretté Tony Allen aux batteries - sur Jeudi d’octobre et La rue passe - ou Sir Robert Wyatt venu susurrer d’un cheveu en français Kiosco sur le bout de sa langue anglaise. Un opus en ode à la magie de cette vie fragile, Minuscule : « Car je suis l’incertain qui dérobe le parfum, au deuil de quelques roses. Tout est si minuscule. » Un voyage d’où l’on ne revient Pas pareil. Dans la continuité du précédent album référence Fonetiq flowers, des effluves d’Orient sont encore présentes sur Séoul, réveillant davantage les esprits des Indiens d’Amérique (Transe de papier).
Joseph Cervantès
BEN LUPUS
La beauté du jour
(Kidderminster)
Contrairement à ce que peut laisser supposer la pochette, il ne s’agit pas d’un livre-disque pour enfants. Le trait de Ben Lupus a quelque chose de naïf, son univers est plein de couleurs. Pourtant, son histoire commence à la mort de sa grand-mère, survenue quelques jours avant l’enregistrement de ce disque-ovni. Dans le livre, on navigue entre la genèse des chansons, leurs sources d’inspiration, des textes et tablatures et des dessins, fruits d’une imagination fertile. Le disque est tout aussi inspirant, un peu déstabilisant au début, avant, très vite, de nous imprégner de cet univers aérien, planant et poétique. La beauté du jour est le recueil d’un amoureux de la vie, d’un être reconnaissant de vivre l’amour (Sur nos têtes), d’un père qui s’adresse à son enfant (Dans la nuit), et d’un rêveur (Tohu-va-bohu). Six titres salvateurs dans un livre coloré, mystique et exalté, le parfait combo pour traverser l’hiver.
Stéphanie Berrebi
ZUT
20/20
(Panthéon)
Déjà vingt ans que Zut régale petits et grands avec leurs chansons à destination du jeune public dont celle de L’âne Trotro, générique de l’incontournable dessin animé. Pour fêter dignement toutes ces années de partage, ils sortent un album qui reprend vingt de leurs titres les plus représentatifs et sur lesquels de nombreux artistes se sont invités pour les accompagner. Des artistes comme Tryo, Aldebert, Les Ogres, Clarika, Didier Wampas et bien d’autres encore, dont la participation massive et éclectique montre à quel point Zut a contribué à populariser la chanson pour enfants en empruntant pour cela à tous les styles musicaux. Zut, ce sont avant tout des chansons énergiques pour enfants curieux et dynamiques, des chansons pour rire et bouger, mais également des textes intelligents qui abordent des problématiques variées comme les préjugés de genre dans Fille ou bien garçon, ou l’empathie et la tolérance dans Au travers de tes lunettes.
Julie de Benoist
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