ALEXIS HK
Comme un ours [live]
(La Familia)
Comme une prémonition dont il a le secret, sortait en 2018 son cinquième album Comme un ours. La tournée qui a suivi est aujourd’hui disponible dans un coffret soigné, présentant un livret photo croquant des instants de scène et de coulisses signé Lucie Locqueneux. Passé maître dans l’art de la décortication verbale, le sujet tourne ici autour des tourments de l’âme humaine. Les récits qui accompagnent les morceaux sont un mélange exquis d’humour noir et absurde que ne renieraient pas les Monty Python. Tous les titres du dernier album sont présents, quelques inédits, quelques inséparables et l’émotion est à son comble quand le rideau tombe sur Marianne. Simon Mary à la contrebasse, Julien Lefèvre au violoncelle et Sébastien Collinet au piano et à la guitare composent ce casting de haut vol, qui prouve qu’on peut encore faire aujourd’hui de « la chanson française d’après-guerre » d’une qualité irréprochable.
Mathieu Gatellier
OH MU
Contre-culture
(Autoproduit)
À la fois chanteuse et dessinatrice, Oh Mu emprunte son nom de scène aux créatures du film d’animation Nausicaä de Miyazaki. Artiste suisse, Contre-culture est son quatrième EP. Portés par une musique électro-pop, ses textes résonnent d’une douleur certaine, de celle dont les accents de sincérité ne peuvent être qu’autobiographiques. La musique semble pour Oh Mu un support pour exorciser ses démons en nous faisant partager ses blessures les plus intimes. Tantôt Alien ou Dingue, puis père d’elle-même dans Daddy, ou encore sorcière moderne dans Indigo, la jeune artiste se ressent comme une incomprise révoltée qui n’a pas sa place dans cette société et en décline le thème dans tous ses titres. Celle qui affirme que « Je fais ce que je veux je m’en fous » le scande avec un peu trop de force, comme un mantra répété pour s’en persuader et au final, la rudesse de ses paroles et de ses sons ne fait que souligner sa fragilité touchante.
Julie de Benoist
PHANEE DE POOL
Amstram
(Escales Records)
Phanee de Pool avait fait l’effet d’une bombe, en 2017 avec son premier album Hologramme. L’ex fliquette, reconvertie en chanteuse pianiste-guitariste, n’a pas la langue dans sa poche, et impose son style par son flow et ses mots qui percutent. Après une belle tournée, elle revient donc avec Amstram, dans la lignée du précédent : unique en son genre. Elle nous présente plusieurs facettes : concernée, voire engagée, dans Mad’moiselle sur les diktats féminins dès le plus jeune âge, fine observatrice du monde dans Je suis heureuse (en duo avec Albert Camus !) sur l’injonction au bonheur, ou les effets dévastateurs de la cocaïne dans Amstram, drôlement espiègle dans Le parfait sur son pays natal ou, plus poète, dans Le croquis. Elle a le mot juste et donne matière à réflexion, le tout porté par une production musicale subtile, rythmée et variée. Définitivement, Phanee de Pool fait partie des meilleures spécialités suisses.
Stéphanie Berrebi
BOLIVARD
Dr Bolivard
(Cookie Records)
Bolivard, artiste multiple. Tour à tour graphiste, illustrateur, producteur et musicien, il nous régale avec son EP décalé, Dr Bolivard, pour lequel il a également réalisé avec talent les clips, lui permettant ainsi d’enrichir davantage un univers déjà très singulier. Sur une musique funk, disco ou électro, ce dandy nihiliste nous partage ses réflexions morbides et désabusées, à travers notamment l’échange surréaliste entre un patient et son médecin qui sert d’introduction à plusieurs chansons. Avec un humour corrosif et un ton acerbe, son personnage évolue dans un monde dont il ne voit que l’absurdité, comme dans Sauvons et où son mal de vivre n’a d’égal que sa peur de mourir. Pour supporter tout ça, il essaie de se persuader que « sans la mort, la vie serait invivable » en imaginant la vie éternelle dans La mort. On ne sait pas s’il a réussi à s’en convaincre, mais au moins, il nous aura bien fait rire.
www.facebook.com/bolivardmusic
Julie de Benoist
IMBERT IMBERT
Mémoires d’un enfant de 300 000 ans
(Printival)
Découvrir un nouvel album d’Imbert Imbert prend toujours la forme d’une exploration, artistique, poétique, humaine. S’il n’a pas lâché sa contrebasse, la structure jazz-rock s’enrichit des rythmiques de Laurent Paris, du violon de Mathieu Werchowski et des guitares et arrangements de son comparse de Boucan, Brunoï Zarn. Cet « enfant de 300000 ans » est concerné (Tous les crocodiles), observateur du passé, du présent et du futur, inquiet de l’évolution du monde. L’anarchiste qu’on retrouve dans Feu de toi, a laissé la place à l’écologiste. Le poète nous ravit de ses paroles magnifiques, à l’instar du refrain écrit en hommage à Piero Pepin, le troisième de Boucan, « Tu manques à la musique, et la musique, c’est ma vie », ou dans la troisième partie des Mémoires : « La Lumière attire les mouches, la musique les chats, et je donne ma langue aux rats. » Indispensable.
Stéphanie Berrebi
LA CARAVANE PASSE
Nomadic spirit
(At(h)ome)
Entre Soviet Suprem et la récente réalisation de l’album de Rachid Taha, Toma Feterman est sur tous les fronts… Mais quel plaisir de le retrouver, lui et ses quatre frères d’armes, au volant de La Caravane. Dans cet opus, le voyage est aussi réel que spirituel et le groupe n’a jamais aussi bien porté son nom. Au fil des morceaux, il parcourt différentes contrées, s’approprie divers folklores et se nourrit des différentes cultures et coutumes locales. Drôle et mystique, poétique et traditionnelle, à mi-chemin entre la chanson et le hip-hop, La Caravane embarque tous les amoureux des musiques du monde. De la Méditerranée au Pacifique, du Népal au Far West en passant par l’Afrique, le dépaysement est total. Du cha-cha-cha, du sirtaki, du jazz manouche, du flamenco, de la musique indienne, berbère ou balkanique… Il n’y a que La Caravane Passe pour connecter les styles avec autant d’aisance et de cohérence !
Nicolas Claude
SAMARABALOUF
No Future
(Art Disto)
Pour ses vingt ans, Samarabalouf s’offre une troisième mue. Le maestro François Petit et sa guitare manouche endiablée revient accompagné de Léo Ferdinand Cornélius Mathieu (violon et mandoline) et de Phyllipa Scammell (violoncelle et contrebasse). De la « French world music - tendance manouche », c’est ainsi que le trio à cordes présente son travail. Composé de dix morceaux instrumentaux et de trois titres chantés, l’opus respire les sonorités tziganes et manouches, mais inclut également des accents country, rock, et même parfois lyriques. Il nous invite à suivre les aventures de No Future, un ado symbole de la jeunesse actuelle qui hérite d’un monde en piteux état. À force de courage, d’espoir, d’imagination et d’entraide, il faudra se battre pour un avenir meilleur… Avec ce sixième album, le son de Samarabalouf évolue, tout en gardant son ADN, une vibration manouche à l’énergie imparable.
Grégory Couvert
BERNARD JOYET
Franginades
(EPM)
Des Franginades, oui mais c’est quoi ? Et bien, Bernard Joyet revient en force avec un double album plein de ses ami(e)s qui chantent pour lui et avec lui. Des textes ciselés comme seul ce troubadour facétieux sait les faire, en remettant l’ouvrage sur le métier autant de fois que son insatisfaction lui dicte. Bernard est un clown pas triste, fantasque, truculent, jouisseur de sa propre alchimie. Allitérations et jonglages de rimes sont servis par une débauche de talents : Francesca Solleville, Juliette, Sidi Naïm, Manu Galure, Nathalie Miravette et bien d’autres artistes, en résonance avec l’ami Joyet. La première galette de ce double album propose des textes inédits, mais aussi des duos frangins avec Anne Sylvestre et Yves Jamait. Après une longue attente depuis Autodidacte I et II, pépites discographiques, on se prend d’impatience pour découvrir sur scène cette suite, lorsque nos salles quitteront leur léthargie actuelle.
Jean-Hugues Mallot
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