GARDEN PARTIE
Éponyme
(La Curieuse / Label Folie)
Ranger ce CD dans un bac ne va pas être simple. De la chanson rock sur des rythmes tribals ? Peut-être. La contrebasse de Florent Hermet et la batterie de Cyril Gilibert accompagnent la voix et les textes de Pierre Dodet, tout au long de ces six titres. Un petit côté Grand Corps Malade dans le phrasé et une folie douce à la Askehoug, pour pimenter le tout. On est tout de suite capté par sa rhétorique. Des textes fournis, comme des histoires qu’on raconte au coin d’un feu de camp. De Je marche à De mèche, on se régale, on voyage. On s’interroge aussi, sur la filiation et les dures séparations, l’inhumanité des usines et la robotisation des êtres qui en découlent. Et puis vient l’excellent Ça m’énerve, comme un exutoire. Les politiciens, la finance, les religions. Ouais, ça m’énerve. Aucun fil conducteur, si ce n’est la bienveillance et l’amour de son prochain. N’est-ce pas là l’essentiel ? Chapeau bas.
Eddy Bonin
ANTOINE HÉNAUT
Par défaut
(PIAS)
Pour découvrir le quatrième album de cet artiste belge, vous avez le choix ; soit vous promener sur le chemin musical du disque baigné d’ombres et de lumières, dans les hauts et les bas des sentiments, entre sourire et gorge serrée, soit vous sélectionnez les titres en fonction de votre humeur et grignotez les chansons comme une boîte de chocolats ! Car Antoine Hénaut sait aussi bien aguicher nos zygomatiques comme dans Les filles sages (photo de classe à haute charge érotico-comique), Menteur à gages, Pain bénit ou Le copain que nous décarapasser le cœur avec des titres comme La bête, À personne (vague à l’âme bashungienne) ou Jamais toujours. On sait le personnage hétéroclite et curieux, et ça s’entend sur ces onze titres dans lesquels fanfare cuivrée, guitares balluchées, rock enragé et piano alangui font la B.O. de ces numéros de jongleur de mots. Écouter ce disque par défaut… sûrement pas !
Grégoire Thion
POGO CAR CRASH CONTROL
Tête blême
(Panenka Music)
Posez Tête blême sur la platine. Boum, c’est le chaos ! Comme si un sale virus venait de débarquer dans vos oreilles. Confinés comme des rats dans un laboratoire expérimental, avec le volume à 11, Pogo Car Crash Control sonne l’alarme. Il n’y a qu’à lire le tracklisting, L’odeur de la mort, L’histoire se répète, Ce monde humiliant… Heureusement, ici, le propos est bienveillant, constructif, plutôt qu’alarmant. Devant le miroir, je me questionne. Au début, j’ai eu les jetons en voyant le visuel. À la limite de me faire un joli collier de tresse d’ail pour éloigner le mal. La formule est efficace, à base d’un bon vieux métal rock français alternatif, qui décrasserait les cages à miel de Tonton Zézé et de tous ses petits graisseux. Dans la lignée Lofo, Mass, S.O.D., No One avec une voix qui amène parfois un joli parfum cold wave des années 80. Protégez-vous, vous pourriez devenir addict.
www.facebook.com/pogocarcrashcontrol
Eddy Bonin
LOUIS-JEAN CORMIER
Quand la nuit tombe
(Yotanka Records)
Le plus appréciable chez le Montréalais, c’est cette propension à se renouveler et surprendre. Après un album épuré, ambiance boisée autour de sa guitare, Louis-Jean Cormier prend le contre-pied. Si on retrouve sa voix cassée qui nous est devenue si familière depuis son précédent groupe Karkwa et son sens aiguisé de la belle formule, Cormier revient avec un album aux orchestrations grandioses, nées autour du piano, son premier instrument. En résulte un album aussi puissant que saisissant, percussif, avec autant de montées magistrales que de moments sur le fil… Des ambiances à l’image de la vie, de notre société qu’il dépeint avec autant de verve que d’originalité, à l’instar de ce 100 mètres haies en introduction, ou lorsqu’il aborde l’égocentrisme exacerbé sur les réseaux sociaux (Je me moi), ou le racisme actuel, en duo avec le slameur David Goudreault (Les poings ouverts). Brillant.
Stéphanie Berrebi
KLÔ PELGAG
Notre-Dame-des-Sept-Douleurs
(Secret City Records)
Deux albums et un EP après ses débuts, la chanteuse québecoise Klô Pelgag nous illumine de nouveau de ses mélodies délicates et subtiles. Notre-Dame-des-Sept-Douleurs traite des dépendances affectives et émotives que nous vivons tous. Ce nouvel opus aborde avec élégance et bienveillance des situations de la vie, aussi heureuses que destructrices. Dès le premier morceau éponyme, Klô Pelgag nous entraîne dans un univers onirique intense. L’alliance froide du violon, du piano et de la batterie nous pousse à exprimer ces émotions qui nous rongent et nous invite à nous en détacher. Klô Pelgag perce ce cocon, cet abri intérieur. Le dernier morceau Notre-Dame-des-Sept-Douleurs II clôt la boucle mais celle-ci recommence, tout comme le cycle de la vie, le cycle des émotions. Cet album est un périple naturel et émotionnel, à vivre profondément.
Louise Jean-Baptiste
MONSIEUR ROUX
Espèce en voie d’apparition
(Label Hyp / PIAS)
On a connu Monsieur Roux avec ses précédentes productions musicales dans un registre plus léger, plus ironique, à l’instar de son tube Petit Rasta. Pour son cinquième album, conçu dans la durée, sur trois ans, Erwan de son prénom s’est laissé porter par la prose de Babouillec, une auteure autiste privée de parole, mais pas d’une superbe plume. Ici, les mots claquent, séduisent, bouleversent et répondent brillamment au coup d’archet de la violoncelliste Juliette Divry aussi de l’aventure. Un dix titres qui interroge également, forcément, sur notre rapport à l’autre, à la différence, au fil de cette poésie chantée, belle, sombre et sensible qui tape à l’oreille, chamboule les émotions. « Je suis un jour de neige dans le blanc de la raison » chante Monsieur Roux de sa voix funambule, guitare en mains, sur le titre d’ouverture. Un disque soigné, réussi qui fait du bien par là où il passe, autant à l’âme qu’aux oreilles.
https://monsieurroux1.bandcamp.com
Fabrice Bérard
SARAH OLIVIER
Suck my toe
(La Triperie)
De longues années après un premier album qui avait marqué le microcosme de la chanson, Sarah Olivier est de retour et retourne la table avec un album de… rock’n’roll ! Pas un ersatz caoutchouteux pour radio FM moribonde ou une vieillerie de rock adulte (ce non-sens absolu !). Non. Un putain de disque bourré de guitares abrasives et d’énergie, de tension sexuelle latente, d’acrobaties vocales et de rythmiques précises sous électricité. Un tour de force qui ne cède jamais à la facilité, s’ouvrant à des arrangements audacieux mêlant Screamin Jay ou Kate Bush sans jamais renoncer à sa fureur. Une fureur seulement apaisée sur les deux chefs d’oeuvre qui clôturent l’album, Stormy sister et sa trompette magique et le lacrymal Dido’s lament. Oubliez les références à Piaf ou Nina Hagen, c’est du côté des sublimes Chrissie Hynde (Pretenders) ou Kate Pierson (B52’s) que Sarah Olivier s’installe. Au Panthéon du rock.
Alex Monville
DIDIER TRONCHET
Le chanteur perdu
(Dupuis)
Jean, bibliothécaire en burn-out et en quête de sens dans sa vie, se retrouve à la gare de Morlaix, loin de chez lui. Son but ? Partir à la recherche d’un certain Rémy-Bé, chanteur folk qui a accompagné sa jeunesse trente ans auparavant et dont il ne retrouve aucune trace, inconnu de tous et d’Internet. Nous voici alors plongés dans un road-movie chansonnier, dans lequel on y croise Pierre Perret, Raoul de Godewarsvelde, Georges Brassens… Tronchet, pour qui la chanson est une passion infinie, livre ici un récit semi-autobiographique avec sa truculence, son sens du rythme et de l’intrigue qui ont fait sa réputation. Magnifiquement illustré à l’aquarelle, Le chanteur perdu fera résonner en chaque amateur de chanson des sensations enfouies. Pour ajouter une corde à son arc, Tronchet se fait chanteur avec Des nouvelles de moi, titre écrit suite à cette aventure dont le clip est disponible, bouclant ainsi la boucle avec panache.
Benjamin Valentie
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