GOVRACHE
Des cris
(Auto-produit)
« Debout les mots, remballez vos murmures. Il est temps de mettre les poings sur les cris. » Des murmures au printemps deviennent Des cris à l’automne. Comme un concept album façon lanceur d’alerte. Govrache est un humaniste qui slame la vie, avec ses joies, avec ses peines. Govrache est un mec bien, tout simplement. Un cœur ouvert sur tous les maux de notre société. Encore plus, cette fois-ci, avec ce pamphlet en sept chapitres. Une baffe dans la gueule à la façon d’un Zola, d’un Coluche. Un Abbé Pierre athée sans soutane, un Guy Gilbert en sweat capuche. Sur De gauche à droite, il affirme (enfin) son amour pour Keny Arkana, jusque dans le phrasé. Les faibles contre les puissants. Personne n’est épargné. Les CRS, les politiques, la finance. Les gradés en prennent pour leur grade, pendant que le peuple se dégrade. « Parce qu’un cri, c’est la réponse du faible, face au fort qui s’acharne. » Pourvu qu’enfin, ces cris soient entendus.
Eddy Bonin
BAPTISTE DUPRÉ
Petites choses et vaste monde
(Ariane Productions)
À l’écoute de la troisième production discographique de cet artiste ardéchois d’adoption, un subtil mélange se dégage entre sérénité, plénitude et douce mélancolie. C’est du côté du Recall Studio avec le maître des lieux aux commandes, l’ingénieur du son Philippe Gaillot, au joli CV (Têtes Raides, Bashung, Noir Désir…) que Baptiste Dupré a peaufiné son son. Des chansons bohèmes et buissonnières, des textes humanistes et poétiques à souhait, l’auteur-compositeur séduit l’oreille avec ses arrangements aux sonorités folk et rock, parfumées de quelques touches jazz. Un album qui bénéficie en prime d’un invité de choix, Stéphane Belmondo et sa trompette virtuose, sur un titre. Un douze titres (plus un caché) qui emporte son auditeur hors des sentiers battus, aux rythmes d’un violon, d’une basse, d’une batterie et d’une guitare à la force et à la conviction complices.
Fabrice Bérard
VULVES ASSASSINES
Godzilla 3000
(Atypeek Music)
Il faut pouvoir assumer un nom de scène, et c’est bien le cas pour ce trio de filles émancipées originaires du Neuf-Trois. Sans ce patronyme, le titre et le visuel de l’album n’auraient d’ailleurs pas le même sens. Composé de MC Vieillard, DJ Conant et Sam à la guitare électrique, ce groupe déjanté dévoile un univers musical et visuel provocateur qui oscille entre punk, rapcore, dubstep, cumbia et trap. On pense à Schlaasss et Sexy Sushi pour les textes et le beat électro lourd et puissant. Concernant le flow, la hargne et la détermination, on est plus dans le registre de Keny Arkana ou La Gale… Effronté et anticonformiste, ce trio fait finalement preuve d’un vrai sens du discernement en s’engageant politiquement et en dénonçant des règles de bienséance superflues. En remettant la femme à la première place, les Vulves Assassines rendent fertile n’importe quel discours féministe !
Nicolas Claude
GYSLAIN.N
Welcome
(Auto-produit)
Quelques notes de piano et nous voilà dans les étoiles. Happés. Après un premier EP sorti en 2017, Gyslain.N revient avec un cinq titres magnifique, comme ces losers odifiés d’entrée de gamme. Bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser à Abd Al Malik ou à Gaël Faye avec qui il partage la même passion pour l’écriture. Il y a pire comme comparaison. Comme eux, il est également auteur de romans et de nouvelles. Les textes sont ciselés à la plume d’or, bourrés d’humanité, en harmonie avec la musique. Une base hip-hop avec un côté groovy, parfois jazzy. Une poésie urbaine rythmique, métissée, d’une grande qualité. Mais cinq titres, c’est court, frustrant. Un Alsace blues pour ne pas oublier ses racines et déjà on se quitte sur le dansant Au bout de mes rêves, entre souvenirs d’enfance et envies d’ailleurs. Une pépite de plus, telle une étoile filante. Welcome à ce bijou, façonné il y a déjà quelques mois.
Eddy Bonin
LA RUE KÉTANOU
2020
(LRK Productions / Irfan)
Lors de sa dernière tournée, le trio historique a greffé un second accordéon, celui de Pierre Luquet des Becs Bien Zen, à son incroyable aventure. Depuis, entre le Collectif 13, La Green Box, le théâtre et des voyages, Olivier Leite, Mourad Musset et Florent Vintrigner ont vu du pays et signent, vingt ans après En attendant les caravanes, leur cinquième album. Le quatuor s’est ouvert aux participations d’invités de marque, tels Fredo des Ogres, René Lacaille, Mouss & Hakim, Gari Grèu et a collaboré avec Nicolas Quéré (Arctic Monkeys…) pour la réalisation d’un disque étoffé. On retrouve l’esprit de La Rue Ket’qui raconte le monde « qui va de travers » avec un sourire en coin, qu’ils abordent l’arnaque du Beaujolais, Le Chikungunya, le célibat retrouvé (Vive la divorcée), la guerre avec Soldat ravale écrite par Lazare, glissant çà et là des ballades plus nostalgiques. Si ce n’est leur meilleur, 2020 est sûrement l’album le plus abouti de La Rue Ket’.
Stéphanie Berrebi
LES COWBOYS FRINGANTS
Antipodes
Antipodes (La Tribu)
Cela fait plus de vingt-cinq ans que Les Cowboys Fringants décortiquent le monde avec un savant mélange de chansons coups de poing et nostalgiques. Ce dixième album (déjà) en est la continuité et colle parfaitement à la société actuelle que nous présente le groupe, celle où les extrêmes avancent, où le précipice n’est jamais très loin, mais celle où l’espoir n’est pas perdu. Nous sommes propulsés au rythme de chansons fortes et poétiques : tantôt mélancoliques (L’Amérique pleure, Les maisons toutes pareilles, Sur mon épaule), tantôt joviales et révoltées (Saint-Profond, Mononc’ André). Le titre Ici-bas est probablement la synthèse de tous ces sentiments qui se bousculent et nous secouent de part et d’autre. Dans ce monde bipolaire si justement raconté, Les antipodes ravive la flamme d’un futur optimiste. Dans le firmament de leur discographie, cet album est assurément proche du zénith.
Quentin Hingrand
ESTELLE MEYER
Sous ma robe, mon cœur
(Major.ette / Riveneuve-Archimbaud)
Premier livre-disque d’Estelle Meyer, Sous ma robe, mon cœur est autant un recueil de textes poétiques qu’une ode à la femme et à la vie. D’une voix puissante et douce à la fois, l’artiste nous entraîne dans son univers décomplexé où humanité et animalité ne font qu’une seule et même entité. Un univers où les frontières du réel et de l’imaginaire s’entremêlent et se confondent. Les rythmes marqués par le piano, présent dans chacune des musiques, résonnent comme un fil conducteur. Alternance de chansons douces et d’autres plus dynamiques, Sous ma robe, mon cœur est aussi un répertoire de poèmes abordant notamment la condition féminine ou encore l’amour et ses déceptions. Des mots choisis avec justesse et des histoires enivrantes nous rappellent toute la beauté de la vie malgré les embûches et les obstacles qui nous sont réservés. Métaphores de son monde idéal ou simple reflet de la société, les textes d’Estelle Meyer nous font vivre, aimer et rêver.
www.facebook.com/EstelleMeyerLaLouve
Louise Jean-Baptiste
LILY LUCA
Laissez-moi peigner mon poney
(Auto-produit)
Pour son deuxième album, Laissez-moi peigner mon poney, Lily Luca n’a rien perdu de sa verve. Avec sa voix douce, elle pose un regard espiègle et caustique sur les travers de notre société. Si Lily Luca appuie là où ça fait mal, elle le fait avec délicatesse et légèreté, dans la forme. Pour le fond, c’est une autre histoire. Les sujets traités comme dans Open, Sur le banc ou Tu sais nous remuent jusqu’au fond de l’âme. Il y a aussi beaucoup d’humour dans Touchée coulée ou Et maintenant, par exemple, mais un humour au cynisme toujours décapant. L’écriture poétique et incisive est portée par une musique discrète aux arrangements soignés et originaux. La réalisation est extrêmement moderne et sert merveilleusement les textes de cette artiste atypique. Et quand, au milieu de l’album on découvre Fontaine, on se dit que Lily Luca est non seulement grinçante et drôle, mais c’est aussi une adepte du beau, tout simplement.
Julie de Benoist
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